« Avec vue sur l’Arno » E.M. FORSTER

forster ArnoCe roman de E.M. Forster était dans ma PAL depuis 2010, mais j’ai découvert que je l’avais déjà acheté plus de vingt ans auparavant, peu de temps en fait après la sortie du film en 1986. Autant vous dire que cela fait 28 ans que je projette de le lire ! Pourquoi avoir autant attendu et pourquoi l’avoir acheté trois fois (en 1986, en 2010 et l’an dernier) ? Je crois que la raison principale vient du fait que j’aime tellement l’adaptation cinématographique de James Ivory que j’appréhendais la lecture de ce roman, par peur d’être déçue, de ne pas retrouver toutes les émotions que ce film sublime et complet me procure. Je me suis enfin décidée puisque ce roman est sur la liste du Prix des Lectrices 2014 (proposé par Miss G.).

Lire un roman dont on connaît par coeur l’intrigue et les répliques est une expérience particulière que j’apprécie peu en général, le roman étant souvent plus dense que l’adaptation cinématographique. C’est la troisième fois que je me trouve dans cette situation : la première pour Raison et sentiments de Jane Austen et la deuxième pour La Ferme africaine de Karen Blixen. Cela m’avait gênée pour Raison et sentiments, mais pour La Ferme africaine j’avais eu l’impression que livre et film se complétaient merveilleusement !

Pour le roman de Forster, je dois dire que mes craintes se sont révélées justes en partie.

Nous sommes en 1905, Lucy Honeychurch, jeune fille de la bonne bourgeoisie anglaise, voyage en Italie avec sa cousine, Charlotte Bartlett, qui lui sert également de chaperon. Le roman s’ouvre sur un dîner dans une pension de famille à Florence. Les deux femmes déplorent de n’avoir pas obtenu une chambre avec vue sur l’Arno. Un père et son fils, George Emmerson, leur offrent leur chambre respective. Dans cette pension se trouvent rassemblées plusieurs personnes que nous retrouverons dans la deuxième partie du livre, en Angleterre. Les ressors de l’intrigue principale ont lieu dans cette première partie, leurs conséquences seront développées dans la deuxième partie en Angleterre. Tout réside dans un baiser volé sur les hauteurs de Florence entre George et Lucy, baiser surpris par Charlotte.

Encore plus que dans le film, le roman insiste souvent sur l’opposition entre Italie et Angleterre. Pour Forster, l’Italie représente la jeunesse  (l’éternelle alliance de l’Italie avec la jeunesse p.91) et les passions (le pouvoir de susciter les passions bonnes ou mauvaises et le pouvoir de les porter rapidement à leur terme p.97). La grande thèse de ce roman est la métamorphose de Lucy au contact de l’Italie. Sa façon de jouer du piano révèle un caractère et des passions contenus que l’Italie, et notamment Florence, va transfigurer : Si jamais Miss Honeychurch s’avisait de vivre comme elle joue, ce serait fort intéressant à la fois pour elle et pour nous (p.56) dira Mr Beebe. Il lui faudra un long cheminement avant d’y parvenir : lutter contre les conventions sociales, mentir, prendre conscience de ses erreurs, avant de se révéler à elle-même. Mais elle aura besoin pour cela d’êtres attentifs qui sauront la mettre sur la bonne voie.

Dans le roman, le personnage de Charlotte Bartlett prend, notamment à la fin, une dimension plus importante. Lucy se sent radicalement différente de sa cousine, vieille fille toujours en décalage et parfois insupportable, elle ne peut que se sentir vexée quand sa mère les compare et affirme qu’au contraire elles se ressemblent. Et en effet, Charlotte se révèle être ce que Lucy risque de devenir si elle n’était pas allée en Italie et si elle n’était pas parvenue à briser sa carapace. A la lecture du roman, Charlotte m’est devenue plus sympathique et j’ai ressenti pour elle plus d’empathie : elle sort de son simple rôle de personnage comique, dont on se moque gentiment, elle devient une femme qui a laissé passer sa chance, l’amour.

Ce que j’ai aimé également à la lecture de ce roman est de retrouver mes répliques préférées du film. Ivory fait une adaptation assez précise du roman de Forster, mais je dirais même qu’il le sublime.

Car, je dois l’avouer : je préfère le film au roman et c’est bien la première fois que cela m’arrive. Est-ce une trahison de la part d’Ivory qui insiste sur certaines scènes que Forster, me semble-t-il, expédie. L’exemple par excellence est la fameuse scène du baiser dans le champ de blé : scène sublime dans le film qui m’a semblé presque plate dans le roman.

J’ai également noté quelques différences dans le traitement des personnages : Lucy apparaît plus capricieuse dans le roman que dans le film ; Cecil Vyse, quant à lui, est beaucoup plus ridicule dans le film que dans le roman où il est décrit comme assez séduisant, ce qui n’est pas le cas dans le film.

Mais un autre problème s’est révélé durant la lecture du roman : un gros problème de traduction ! Certaines phrases ne veulent strictement rien dire et cela m’a beaucoup gênée.

Cette lecture fut donc mitigée : bonheur de retrouver cette histoire avec en tête les images sublimes du film ; meilleure compréhension de la psychologie des personnages (notamment l’aversion pour les Emmerson qui est moins perceptible dans le film, je trouve), mais déception due à la traduction ou à une écriture plus détachée peut-être moins romanesque qui peut cependant se comprendre avec la mise en abyme du roman de Miss Eleanor Lavish qui, dans son roman fleur bleue, décrit la fameuse scène du baiser.

Je reconnais aussi volontiers que ma lecture a largement été influencée par le fait que son adaptation cinématographique est sans aucun doute l’un de mes films fétiches. Beaucoup de mes remarques devraient donc être minimisées pour quelqu’un qui lirait le livre avant d’avoir vu le film.

Roman lu dans le cadre  du Prix des Lectrices 2014, du Challenge Il Viaggio et Challenge Amoureux saison 4. Sans oublier Plan Orsec 2014 et le Challenge Un classique par mois.

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22 Commentaires

  1. J’ai lu en diagonale le livre… en fait je voulais retrouvé la magie du film ! Je préfère également l’adaptation d’Ivory que je trouve… magique !

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  2. George… peux-tu corriger ma faute s’il te plaît ? « retrouver ». Merci…

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  3. Ton avis est intéressant et je fais partie des personnes qui ont lu le livre avant de voir l’adaptation (j’attends un peu pour le faire). Par contre, il semblerait effectivement qu’il y ait un problème de traduction sur plusieurs éditions, dommage.

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  4. Je n’ai jamais vu le film mais tu m’as donné envie de le voir, davantage que de lire le roman !

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  5. Hum, c’est aussi un film culte pour moi, j’appréhendais déjà ma lecture… encore plus maintenant (j’avais tenté de le lire en anglais…)

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  6. Je me suis bien jurée de découvrir Forster cette année!

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  7. Ah tiens tu me fais hésiter finalement… Et tu le donnes très envie de voir ce film que je ne connais pas 😉
    Vais voir si je le trouve à ma médiathèque !

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  8. Pas de bol j’ai la même édition que toi… Ca s’annonce mal ! Mais ouf, je n’ai pas vu le film ça me sauvera peut-être, je me le réserve pour après du coup !

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  9. Je ne connais ni le film ni le roman alors je le note, je commencerai peut être par le roman et le film ensuite, à voir!

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  10. Laurence (Lolotte)

     /  Mai 1, 2014

    Je crois que je n’ai jamais vu le film … comme tu sembles plus emballée par ce dernier que par le livre, je vais essayer de le trouver en DVD !

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  11. Je n’ai jamais vu le film, je pense donc commencer par le roman…

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  12. C’est marrant, c’est justement le conseil lecture que j’ai reçu par mail aujourd’hui de My little book club. Cette lecture me tente bien (mais je n’ai pas vu le film). Ils disent que ça ressemble à du Jane Austen, « à 100 ans près »…j’avoue c’est ça qui m’a appâtée aussi! ^^

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  13. Je n’ai pas pu venir à bout de ce roman. J’ai du me rabattre sur le film d’Ivory pour en connaitre le fin mot. Je lui avais trouvé un charme désuet sans pour autant accrocher aux personnages.

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  14. il est dans ma PAL depuis un bon bout de temps !

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  15. J’ai lu ce roman il y a très longtemps, quand j’étais au lycée je crois. Il m’avait beaucoup plu mais je n’en garde aucun souvenir :/

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  16. Je l’ai déjà lu il y a longtemps mais je me suis promise de l’emmener pour mon prochain voyage à Florence.

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  17. Je l’a commandé et j’ai hâte de le recevoir. N’ayant jamais vu le film, je ne risque pas cette déception ; je le regarderai après lecture !

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  18. Je regarde vraiment très rarement les films tirés de livres (du coup je vais peu au cinéma, même si j’adore ça), car les peu de fois où cela m’est arrivé, j’étais vraiment déçue.. Ce livre là est peut-être une exception. Peut-être ne peut-on pas cumuler les deux. Il faut soit lire le livre, soit voir le film…

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  19. J’ai adoré le roman… va falloir que je voie le film, on dirait!

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à vous....