« Une Vie » Guy de MAUPASSANT.

En 1819, Jeanne Le Perthuis des Vauds sort du couvent et est conduite par ses parents à leur domaine des Peuples en Normandie. Jeune fille choyée, naïve, éduquée comme la plupart des jeunes filles de l’époque, Jeanne rêve d’un avenir radieux, d’un homme aimant, de bonheurs romantiques et romanesques. Entourée d’un père rousseauiste et d’une mère se réfugiant dans les romans de Mme de Staël et les poèmes de Lamartine, Jeanne mène une vie heureuse dans la demeure qu’elle affectionne. Comme toutes les jeunes filles, elle rêve de rencontrer l’homme qui saura l’aimer et prendre soin d’elle. C’est alors que surgit le vicomte Julien de Lamare : beau jeune homme, galant, séduisant. Il plait autant à la fille qu’aux parents et très vite le mariage est prononcé et le couple part pour leur voyage de noces en Corse. Mais, après un séjour enchanteur où Jeanne s’épanouit au chaud soleil de la méditerranée, le retour aux Peuples est morne et Julien changé.

J’ai beaucoup lu Maupassant dans mon adolescence et j’ai souvent été amenée à le relire pour mon travail, faisant régulièrement étudier à mes élèves « La parure », « Le Horla », Pierre et Jean ou Bel-Ami. J’avais donc déjà lu Une vie, mais il me fallait le relire car j’ambitionne de le faire étudier à mes prochains élèves de Seconde. J’aime l’écriture de Maupassant, sa fluidité, cette façon de saisir la psychologie des personnages, ses pointes d’ironie, ce regard sans concession sur certains de ses personnages, mais aussi celui qu’il porte sur les femmes.

Je me suis délectée de cette relecture. On a beau dire, les classiques c’est fantastique !

On entre dans ce roman avec une facilité et un bonheur sans nom. On se coule dans le style, car là pour le coup il est vraiment question de style et on se dit : « Voilà la littérature c’est ça ! » C’est cette capacité à raconter une histoire, mais pas seulement, à traduire une époque, une sensibilité, mais aussi un regard parfois cinglant sur les êtres.

Jeanne est le type de la jeune fille du XIXe appartenant à une certaine noblesse, ici celle de province, que l’on tient dans l’ignorance de la réalité et notamment de la réalité du mariage. George Sand a écrit à propos de l’éducation des jeunes filles à son époque : « Nous les élevons comme des saintes puis nous les livrons comme des pouliches ». Maupassant montre parfaitement les conséquences d’une telle éducation : Jeanne est incapable de prendre une décision et subit toujours tout ce qui lui arrive, l’amenant à faire les mauvais choix. Mais, jamais, sous la plume de Maupassant, ne se lit le jugement. Il montre au contraire, et pour le coup le condamne, la main mise des hommes sur son destin : son père d’abord, puis son mari, le curé puis le prêtre et enfin son fils. Jeanne n’avait pas les armes pour réagir, pour affronter la réalité crue. Et finalement c’est une femme qui finira par la remettre un peu sur pied.

Le roman donc raconte une vie, une vie banale, mais aussi ordinaire d’une jeune fille du XIXe siècle.

Mais il raconte aussi le combat entre les illusions et la réalité, les rêves d’une jeune fille et la réalité de la femme mariée. Bien sûr on pense à Emma Bovary, même si Jeanne et elle n’ont pas exactement le même destin, car Jeanne est beaucoup plus sage qu’Emma, on pense aussi à l’Indiana de George Sand. Il y a des discours qui font bondir aujourd’hui mais, on le sent qui faisaient aussi bondir Maupassant, on le sent justement à ce ton dont je parlais plus haut comme par exemple dans ce discours du curé :

« Eh! oui, vous avez fait comme les autres. Qui sait même si vous n’avez jamais tâté d’une petite bobonne comme celle-là. Je vous dis que tout le monde en fait autant. Votre femme n’en a pas été moins heureuse ni moins aimé, n’est-ce pas? » (p.157)

J’ai toujours pensé que Maupassant était plus féministe qu’on ne le pense.

Bref si vous n’avez pas encore lu ce roman je ne peux que vous conseiller de vous jeter dessus car il y a encore beaucoup beaucoup de choses dont je n’ai pas parlé et qui sont passionnantes.

Ce roman a été lu dans le cadre du challenge Les Classiques, c’est fantastique créé par Moka et Fanny pour le thème du mois d’août : De l’écrit à l’écran en passant par les cases.

En rapport avec le thème, je vous conseille donc son adaptation : le très beau film de Stéphane Brizé avec Judith Chemla dans le rôle de Jeanne :

Une vie | Film Diaphana Distribution
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8 Commentaires

  1. Lu deux ou trois fois aussi, au temps de mes études – j’en garde finalement un bon souvenir, même si les lectures furent faites un peu sous la contrainte scolaire.
    Bonne semaine à toi!

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  2. Pas encore lu mais j’y viendrai c’est sûr mais il y en a tellement à lire. Oui décidément je signe et contresigne : Les classiques c’est fantastique 🙂

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  3. Je n’ai toujours pas lu celui-ci! Je ne pourrais qu’aimer car je suis friande de l’écriture de Maupassant. Je ne connaissais pas l’adaptation.

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  4. Je viens de me procurer ce livre… Très belle chronique qui me donne le goût d’y plonger maintenant. J’ai hâte aussi de voir son adaptation. Au plaisir!

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  5. Neuf parfaits étrangers a l’air d’être très bien, j’aime beaucoup les débuts de la série TV. Big Little Lies qui était adapté aussi de la même autrice était une chouette série !

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    • Oupala, je me suis trompée d’articles, mon commentaire ne veut rien dire du coup …
      J’aime beaucoup Maupassant, je me souviens y être allée à reculons au lycée alors qu’en fait c’est un auteur très facile d’accès et qui parle très bien de la nature humaine.

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  6. J’avais beaucoup aimé ce roman aussi, et comme toi, il faudrait que je le relise. Un jour ^^

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  7. Je l’ai lu vers 16/17h et cette lecture m’a bouleversée. Je me reconnaissais beaucoup dans la Jeanne du début, qui regarde dans la nuit en imaginant son futur plein de rêves… Et la descente aux enfers… Cette scène de viol conjugal au début… Ça m’a glacée.

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à vous....