
Jacques Verdier est retrouvé chez lui un balle dans la tête. Il a laissé, à l’attention du commissaire, une longue confession qui passe de main en main, sans susciter grand intérêt, pour finir par tomber dans l’oubli d’où le narrateur l’en tire pour le donner à lire au lecteur. Dans ce long texte, Jacques Verdier y fait le récit de sa vie et raconte comment il se croit poursuivi par une malédiction : il entraînerait la mort de ceux qu’ils aiment. Cette autobiographie s’applique à montrer cette fatalité qui pèse sur lui et comment elle a forgé son caractère, le rendant très solitaire voire misanthrope. Après une enfance douloureuse, il s’installe à Paris et commence à fréquenter des artistes : peintres, sculpteur qu’il dénigre copieusement sauf Darnac pour lequel il se prend d’amitié mais qu’il garde à distance. Alors que sa malédiction semble le laisser tranquille, un accident dont il se croit responsable et la rencontre de la belle Mme Montessac va finir par le conduire au suicide du début.
Félix Vallotton est un artiste aux multiples talents, aussi bien peintre, sculpteur, critique d’art et donc romancier. Ce roman, écrit en 1907 ne paraîtra qu’en 1927 à titre posthume. Je vous laisse découvrir son œuvre sur internet et vous met juste ce tableau que j’aime beaucoup pour vous donner une idée de l’une des facettes de son art :

La vie de Jacques est semée de drames dont on l’accuse ou dont il s’accuse et on finit par croire en effet qu’il est maudit. On le voit également commettre sans cesse les mauvais choix et se précipiter vers le précipice droit devant, de façon inexorable. Le roman commençant par son suicide, il n’y a guère de suspens mais tout l’intérêt du roman est de savoir comment il va en venir à cet acte.
La Vie meurtrière est un roman sur l’art certes mais l’auteur crée un personnage que j’ai trouvé souvent très antipathique, très imbu de lui-même et parallèlement totalement névrosé, angoissé par la vie. On pourrait donc se dire que je n’ai pas aimé ce roman, et ce serait faux car il y a dans le ton et la plume de Félix Vallotton un cynisme qui en fait toute la richesse et permet de considérer le personnage d’un autre œil. La façon dont son manuscrit est traité le montre en cela très bien lui qui estimait tant son travail de critique d’art et d’historien de l’art. Il y a sans cesse un décalage entre ce que le personnage pense de lui ou de ce qu’il vit et ce qui lui arrive, le summum étant la cause du drame final, prosaïque à souhait.
J’ai beaucoup pensé aux romans de Joris-Karl Huysmans, ceux avec ces personnages célibataires comme dans En ménage ou A vau-l’eau, d’un grand pessimisme, pendant ma lecture, à cette ambiance fin de siècle (même si le roman date de 1907) entre une idéalisation de la femme et une certaine misogynie. Mais contrairement à Huysmans, Vallotton ne ménage par son personnage.
Un roman très court, d’à peine 200 pages, que je suis ravie d’avoir découvert et sorti de ma PAL.