« Daffodil Silver » Isabelle MONNIN – Rentrée Littéraire 2013.

Monnin DaffodilLe roman s’intitule Daffodil Silver et pourtant le personnage principal de cette histoire se prénomme Rosa, Rosa Faure, tante de Daffodil, mais surtout sœur de Lilas. Le problème est que, bien qu’omniprésente dans le roman, Rosa existe par son absence. Morte subitement à l’âge de 26 ans, elle est pourtant celle qui va remplir, envahir la vie de Daffodil.

Rosa et Lilas furent des sœurs inséparables, complices, un lien gémellaire presque les unit même si Lilas est née quelques années avant Rosa. Sans secret l’une pour l’autre, leur vie ensemble fut lumineuse, pleine de promesses et d’espoirs. Lilas conçoit la mort de sa sœur comme une malédiction. Elle s’enferme dans son chagrin et dans le souvenir de Rosa au point de concevoir le projet insensé d’un livre que l’on mettrait autant de temps à lire que Rosa a vécu. Elle veut tout dire, tout raconter de ce que fut le vie de Rosa, jour après jour, voire heure après heure. Elle entraîne avec elle son mari, un américain issu d’une famille juive ayant fui la France pendant le Seconde Guerre mondiale. Lilas et Daffodil sont sa vie, il sera un fabuleux protecteur, faisant sien le projet fou de sa femme sans jamais la contrarier, au contraire en y contribuant.

Isabelle Monnin m’avait touchée au plus profond avec son premier roman, Les Vies extraordinaires d’Eugène. Ses mots avaient une résonance folle en moi, un pouvoir révélateur que peu d’auteurs parviennent à avoir sur moi. Une étrange correspondance quand tout à coup un autre parle à votre place. Qui n’a jamais connu cela n’a jamais pu ressentir réellement ce que lire veut dire.

Avec ce nouveau roman, elle parvient à renouveler ce miracle. Il est rare de rire en lisant mais peut-être encore plus de pleurer. Isabelle Monnin y parvient par la puissance de ses personnages, de ses mots et de cette façon magique de créer une atmosphère dans laquelle le lecteur prend sa place. A travers cette histoire aux accents tragiques, mais jamais avec pathos, elle touche l’essentiel de la vie : le manque insupportable de nos morts. Déjà dans Eugène, elle créait un père imaginant la vie, les amis que son fils aurait eus. Ici Lilas arrête le temps à la mort de sa sœur et entraîne tous ceux qui l’ont connue, qui l’ont aimée à arrêter à leur tour le balancier de l’horloge.

Mais Daffodil n’a pas connu sa tante, du moins pas connue vivante, car finalement, ayant passé toute sa vie à entendre parler de sa tante, elle la connaît aussi bien que si elle l’avait côtoyée de son vivant. Daffodil confie cette histoire au notaire chargé de la succession de ses parents. Elle raconte l’étrange folie de sa mère et comment elle, Daffodil a vécu avec cette morte et avec le chagrin de sa mère, pesant, étouffant les rires de son enfance

Eugène est mort avant d’avoir vécu, Daffodil doit vivre avec une morte, une absence omniprésente qui la contraint à une vie hors du commun.

Lilas se refuse au deuil, et en vouant sa vie à Rosa, elle fait de Rosa une immortelle sans pourtant la retrouver jamais.

Ce roman est incontestablement un coup de cœur parce qu’il raconte à la fois l’aspect tragique, mais aussi magique de la vie. Car malgré cette présence fantomatique, cette tristesse et cette incapacité à saisir l’essence réelle d’un être après sa mort, ce roman raconte aussi la folle aventure qu’est la vie. Chacun décide d’en faire ce qu’il veut. Daffodil, après la mort de ses parents aura à choisir entre vivre avec l’héritage de ses parents (pécuniaire mais surtout familial) ou construire son propre héritage, déposer les bagages lourds que sa mère lui a mis sur le dos ou continuer de les supporter.

Ses bagages ont façonné la démarche de Daffodil, à cause ou grâce à eux, elle marche un peu différemment des autres, de ceux qui n’ont pas eu ce poids à porter, mais finalement ils sont à l’origine de ce qu’elle est et ce n’est pas si mal que cela.

J’espère que ce roman parviendra à se faire une place dans cette vague monstrueuse qu’est la Rentrée Littéraire, il serait tellement dommage qu’il en soit autrement.

Merci à Isabelle Monnin pour ce cadeau, qui va au-delà d’un livre gratuit reçu en Service Presse, merci pour cette lecture qui, avec ces sourires et ces larmes versés, reste étrangement lumineux, merci de m’avoir fait rencontrer Lilas, Rosa, Silver et Daffodil qui porte le doux nom de cette fleur que j’aimais cueillir quand j’étais enfant.

daffodil

Roman lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2013 et du Challenge lire sous la contrainte (mot étranger).

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47 Commentaires

  1. Ah si, quand même, j’avais pris le temps de laisser un commentaire ;0) Bon, puisque je suis là autant relire ton billet, histoire d’avoir encore plus envie de foncer dans ma librairie ;0) Bises

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  2. Oui, décidemment, un très beau billet….

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  3. eimelle

     /  janvier 2, 2014

    Je découvre ce livre grâce à ton bilan, j’avais manqué cet article, et cela donne très envie de l’ajouter à la liste d’envies justement!

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