La Diablesse dans son miroir est un court roman de 150 pages bien pleines, pas un seul paragraphe, ni retour à la ligne, mais 9 chapitres. Le lecteur suit un long monologue, voire une logorrhée, de Laura s’adressant à une amie qu’elle appelle « ma belle ». Tout commence par l’annonce de la mort de sa meilleure amie Olga Maria, assassinée chez elle devant les yeux de ses deux petites filles. Laura comme Olga Maria appartiennent à de bonnes familles du Salvador. Le roman s’étend sur un peu plus d’un mois et tous les faits sont donc racontés et perçus à travers les paroles de Laura. Bavarde incomparable, cancanière au possible, la narratrice dresse le portrait d’Olga Maria, de ses fréquentations, fait des suppositions sur les raisons de cet assassinat, lance des accusations.
Laura est au courant de tout et a fait de l’assassinat de son amie, son affaire. Elle défend bec et ongle sa réputation auprès de l’inspecteur qui, d’après elle pose des questions trop indiscrètes touchant à l’honneur d’Olga Maria. Peu aimable avec les gens appartenant à une classe sociale inférieure à la sienne, elle n’hésite pas à insulter ce pauvre inspecteur ou les employées de son amie, et à se montrer particulièrement raciste. Se dégage alors de ce monologue le propre portrait de Laura : une femme qui se croit toute puissante, voire castratrice envers les hommes. Mais au-delà de Laura on sent bien que c’est toute la bourgeoisie que l’auteur vise. Si dans le premier chapitre, Laura comme Olga Maria apparaissent de façon positive, petit à petit les failles apparaissent : les tromperies, les affaires louches, les corruptions. Et cette logorrhée interminable prend des accents de plus en plus inquiétants.
Au-delà de l’intrigue et des portraits saisissants des différents personnages, le style, la forme de ce roman a été une vraie surprise. On entend véritablement Laura parler, nous parler, on devient cette « belle » sans cesse interpelée. On est avec elle à l’enterrement, assise au dernier rang, elle penchée à notre oreille et débitant son flot de paroles. Aux récits des derniers événements ou derniers ragots, elle intercale des remarques sur le lieu où elle se trouve, répond à un appel de sa mère pour regarder le feuilleton dont elle ne manque aucun épisode, demande un verre de vin blanc… C’est une réelle prouesse !
Ce court roman à la couverture rose bonbon cache effectivement une vraie diablesse, un personnage qui, en se révélant, devient de plus en plus exaspérante et odieuse mais que l’on adore détester.