Dans son nouveau livre, Samuel Benchetrit fait revenir celle qu’il a aimée et qui est le mère de son fils : Marie Trintignant. Treize ans après le drame, il livre sa tristesse, sa révolte, son manque, son amour éternel dans une écriture qui oscille entre violence et douceur, une phrase hachée qui martèle, interroge sans cesse, se souvient, fait revivre.
La nuit avec ma femme est avant tout une déclaration d’amour à Marie.
Samuel Benchetrit a toujours été très discret, voire pudique sur la mort de l’actrice dont il a partagé la vie pendant huit ans et les circonstances de cette mort. Dix ans plus tard, il retrace les évènements du drame, mais surtout la façon dont il l’a vécu et comment il a tenté de vivre ensuite. Ni voyeurisme, ni atermoiement, ce livre est un cri de douleur et d’amour. Je l’ai lu en une après-midi, je ne voulais pas le morceler.
Marie rend visite à Samuel. Elle s’assoit sur son lit, ne parle pas. C’est lui qui parle, qui lui raconte, qui la questionne. Le livre s’étend sur une nuit durant laquelle, il va retracer leur histoire à partir de ce jour de juillet 2003, va déambuler dans les rues vides et nocturnes de Paris revisitant les lieux qu’ils ont connus, s’arrêtant sur un banc, dans un café, racontant aussi comment il a protégé leur fils, comment il l’a élevé.
Ce roman est un cri déchirant d’abord, plein de colère, puis, petit à petit la violence est moins forte même si le manque est toujours là. Ce n’est pas l’actrice qui est mise en avant, c’est la femme, l’épouse, la première femme aimée, la mère. C’est le récit d’un homme qui a perdu la femme qu’il aimait et la mère de son fils. C’est le récit d’un père qui doit expliquer à son fils de cinq ans qu’il ne reverra plus jamais sa maman. C’est à la fois son histoire et une histoire universelle de la perte.
Le style de Samuel Benchetrit porte le livre, nous entraîne à sa suite, il y a des fulgurances qui émergent des pages, on sent une sensibilité, parfois un cynisme sous la plume mais surtout quelque chose qui fait que les mots résonnent en nous. On peut être un peu déstabilisé au début, en ouvrant le livre, mais plus on avance plus on s’immerge dans cette écriture, ce fleuve. Lors d’une interview Samuel Benchetrit a révélé l’avoir écrit d’une traite et c’est sans doute aussi pour cela que je n’ai pas voulu morceler ma lecture, pour suivre le flot.
Adieu fêtes des mères dans les classes déchirées. Sorties des mamans. Accordons-nous au cœur des petits enfants. (p.159)
Au-delà du récit du deuil, Samuel Benchetrit raconte aussi les répercussions médiatiques, les flash des photographes, les reportages, les Unes qui inondent les rues, les commentaires des journalistes, des avocats. La vision déformée qui est donnée de Marie. La scène de l’enterrement révèle bien les dérives médiatiques, les photographes qui guettent la photo qui rapportera le plus d’argent.
C’est un beau livre, un bel hommage à la femme aimée mais aussi au couple, aux enfants. Car de cette douleur d’homme, émerge l’image d’un père, l’image d’un nouveau couple : père et fils liés par la perte et qui se raccrochent l’un à l’autre et qui se donnent à nouveau le droit de chanter. De danser. D’écrire (p.159).
Finalement, au-delà de la perte et de la douleur, la vie reprend son cours, différemment, mais elle reprend. Les dernières pages sont sans doute les plus belles du roman.
Sortie en librairie le 25 août 2016.
Lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire.
Merci aux Editions Plon / Julliard.
peluche0706
/ août 23, 2016Ce livre me tente de plus en plus !
Madame
/ août 23, 2016Je viens de lire ton avis et j’ai demandé à chéri d’aller à la librairie me l’acheter, j’aime beaucoup Samulel BENCHETRIT, l’écrivain, l’homme et le réalisateur. Je le lis ce soir. Merci pour cette belle découverte
Madame
/ août 23, 2016Samuel c’est mieux que Samulel ☻
les Livres de George
/ août 23, 2016C’est l’émotion 😉
les Livres de George
/ août 23, 2016Et il a foncé direct ton homme ? quelle chance !
Moi aussi j’aime beaucoup Benchetrit, j’avais vu sa pièce à la rentrée dernière avec Bedos et je l’ai même croisé un jour dans Paris 😉 ! C’est vraiment un beau livre, tu verras !
topobiblioteca
/ août 23, 2016Très belle chronique ! =)
les Livres de George
/ août 24, 2016Merci ! Chronique écrite sur le vif juste après avoir refermé le livre.
topobiblioteca
/ août 24, 2016Ce sont celles qui sont peut être les plus réussies justement =)
jostein59
/ août 24, 2016Je découvrais l’auteur, j’ai beaucoup aimé ce récit, une confession à fleur de peau. J’ai ressenti sa colère, son chagrin, ses regrets, ses espoirs. J’ai aimé cette façon de trouver les mots pour parler à son fils. Avec un sujet plutôt « people » dans lequel je craignais le voyeurisme, l’auteur écrit effectivement un bel hommage et un chant d’amour.
les Livres de George
/ août 24, 2016C’est exactement ça.
Je connaissais Benchetrit dramaturge j’étais allé voir sa pièce « Moins Deux » l’an dernier et cinéaste aussi.
Caroline Doudet (L'Irrégulière)
/ août 24, 2016Moi j’ai été obligée de faire des pauses tellement ça me bouleversait…
les Livres de George
/ août 24, 2016Je te comprends, c’est un texte qui secoue, mais j’étais portée je crois et je n’avais pas envie de m’arrêter.
estellecalim
/ août 25, 2016Bon, désolé, mais ça ne m’intéresse pas du tout. Tant mieux si cela lui a fait du bien, mais franchement, ce genre de déballage public accusatoire, bof. C’est pas mon truc.
les Livres de George
/ août 26, 2016Ce n’est pas du tout l’esprit du roman même si évidemment il y a énormément de colère envers Cantat, mais l’intérêt du roman et sa substance sont vraiment ailleurs.
Sharon et Nunzi
/ août 26, 2016Je le lirai sûrement.
Cécile
/ août 26, 2016Une belle chronique. Je le lirai.
Leiloona
/ août 27, 2016Oui, voilà je l’ai aussi lu comme un hommage à une femme aimée, d’ailleurs au début je ne savais pas de qui il était question … 🙂