« Toute passion abolie » Vita Sackville-West (Mois Anglais)

Depuis longtemps je voulais découvrir cette auteure, amie de Virginia Woolf, et dont l’oeuvre est de plus en plus rééditée ces derniers temps. J’ai donc profité du Mois Anglais, pour sortir de ma PAL ce roman dont on m’avait dit le plus grand bien.

Le roman s’ouvre sur l’annonce du décès de Henry Holland, comte de Slane, qui fut, entre autre, vice-roi aux Indes. Tous ses enfants sont réunis dans le salon, et discutent de l’avenir de leur mère, lady Slane, belle octogénaire, qui a dévoué sa vie à la carrière de son mari et à ses enfants. Que va devenir cette femme ? comment va-t-elle vivre avec le maigre héritage laissé par son mari ? Mais ce que ne savent pas ses enfants, est que lady Slane a bien l’intention de finir sa vie au calme, de ne penser qu’à elle.

Lady Slane est-elle une vieille femme indigne ? En prenant en main son destin à l’âge de 80 ans, elle rompt avec son rôle d’épouse et de mère modèles. A l’âge où toutes les passions sont abolies, elle veut vivre pour elle, s’entourer de gens qu’elle aura choisis, s’éloigner de ses enfants, petits-enfants et arrières-petits-enfants, trop turbulents et fatigants.

Ce roman est à la fois une réflexion sur la vieillesse, mais plus encore sur la vie que l’on ne s’est pas vraiment choisie, et qui nous a emmené dans une spirale de laquelle on n’a pas su s’extirper.

Divisé en 3 parties, ce roman revient sur le passé de lady Slane, sur ses aspirations artistiques qu’elle a dues mettre au placard, et sur ce constat paradoxal d’avoir vécu une vie faite de voyages, de rencontres, et la déception de n’avoir pas été celle qu’elle aurait aimé être. Durant cette retraite, lady Slane fera la connaissance de trois hommes : son propriétaire, un ouvrier et un collectionneur atypique, Mr. FitzGeorge. Partageant sa vie depuis son mariage avec Genoux, sa gouvernante française, lady Slane goûte un peu de paix avant le grand saut.

Qu’ils semblaient loin, ces jours autrefois vécus dans la violence des passions excessives et brûlantes, où le coeur semblait prêt à se briser sous l’assaut de désirs complexes et contradictoires ! Le paysage était désormais monochrone, les traits identiques, les couleurs effacées, les paroles toutes abolies. (p.86)

La plume ironique de Vita Sackville-West évite tout pathos inutile, et crée un rythme de lecture joyeux malgré le sujet qui peut paraître sombre. Dans sa petite maison, lady Slane boit le thé, lit, se promène, et laisse venir la mort avec une certaine sérénité. Mais peut-on vraiment s’isoler du monde, quand on a eu, toute sa vie, une position sociale de premier plan ?

Lady Slane incarne sans doute la fin d’un monde, celui des colonies anglaises. Peu conciliante envers ses enfants qui apparaissent tous sous un jour peu flatteur, lady Slane fait le deuil de sa vie passée. Seule la toute nouvelle génération, moins engluée dans les convenances, parviendra-t-elle peut-être à vivre la vie qu’elle aura souhaitée.

J’ai accompagné avec plaisir cette vieille femme, encore belle, mince et distinguée dans la dernière année de sa vie, j’ai aimé son ironie, sa vie lovée dans une campagne anglaise au coeur d’une petite maison pleine de charme et de raffinement. Ce fut donc une belle découverte, qui m’a fait commencer l’année agréablement.

Ce roman a éveillé aussi mon intérêt pour l’auteure, et il est fort possible que je lise d’autres de ses romans, et pourquoi une biographie.

Roman lu dans le cadre du Mois Anglais, et du Challenge God save the Livre.

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42 Commentaires

  1. J’ai lu Haute société de cette auteure et bof, j’en suis ressortie un peu perplexe : certaines choses m’ont plu mais je me suis un peu ennuyée aussi ! Ce titre-là risque quand même de m’intéresser un peu plus alors je l’ai noté car j’ai pour l’instant du mal à me faire une idée de l’oeuvre de cette auteure !

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  2. Comme Joelle, j’ai lu « Haute société » et je m’étais passablement ennuyée. Du coup, ton billet et celui de Chaplum me donne envie de retenter.

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à vous....