« Elle marchait sur un fil » Philippe DELERM

delerm elle marchaitMarie, cinquante ans, vient d’être quittée par son mari. Attachée de presse indépendante dans le milieu de l’édition, elle a partagé avec son mari son amour pour la peinture, les brocantes dans lesquelles ils savaient dénicher quelques merveilles. Cette solitude nouvelle, la ramène dans une maison de vacances qu’ils avaient en Bretagne. Elle y retrouve André, leur voisin et ami, avec lequel elle aime parler littérature. Mais André, trop âgé pour s’occuper de sa maison, choisit d’aller vivre dans une résidence pour personnes âgées. A sa place, des jeunes gens s’installent, ils veulent être acteurs. Un lien d’amitié se noue avec Marie et des projets théâtraux voient le jour.

Marie est un personnage que l’on apprend à connaître petit à petit. Elle est déçue par son métier d’attachée de presse, la difficulté toujours plus croissante d’imposer des auteurs originaux, la nécessité de séduire les grands journalistes médiatiques, l’ont forcée à devenir indépendante, à choisir les auteurs qu’elle a envie de défendre, mais là encore, les lumières des médias ont tendance à éblouir.

Marie a toujours voulu écrire, mais elle n’a jamais su dépasser le stade de la composition, de la construction de l’intrigue, et abandonne.

Quand son fils était plus jeunes, il a voulu être acteur, a passé le concours du Conservatoire, mais sa carrière n’a jamais vraiment décollée. Marie l’avait poussé, même après son abandon de théâtre, elle l’enjoignait à s’y remettre alors même qu’il avait mis les pieds dans les empreintes de son père architecte.

Assez vite, on devine chez Marie, cette frustration artistique, d’expression artistique qu’elle a pu vivre aux travers des auteurs qu’elle avait pu défendre, mais ce n’était qu’une vie de procuration. Sa rencontre avec les jeunes gens, acteurs en herbe, va donner un nouvel élan à sa vie, du moins l’espère-t-elle, tout comme l’intérêt de sa petite fille pour le théâtre, lui fait espérer qu’elle pourrait reprendre le flambeau de son fils.

Il y a quelque chose de tragique chez Marie, comme une fatalité qui la poursuit et la poursuivra jusqu’à la fin du roman, mais peut-être pas en vain. Le titre fait référence au titre de la pièce que va écrire Marie pour les jeunes acteurs : Le Fil. Mais il peut également renvoyer à cet  équilibre que Marie recherche après le départ de son mari, tout comme il peut peut-être représenté ce lien, cette transmission entre Marie, son fils et sa petite-fille autour du théâtre.

Philippe Delerm raconte la difficulté de passer de l’amour de l’art (littérature ou théâtre) à sa concrétisation. Il dit comment l’art peut nourrir par procuration, il dit aussi la nécessité de créer et son impossibilité, que cette impossibilité vienne de soi ou des autres, les aspirations comme des rêves d’enfant qui se heurtent à la réalité et aux contingences. En cela ce roman est intéressant, et montre un personnage équilibriste, toujours partagée entre son envie d’écrire et la difficulté de le faire.

Bien sûr, la touche Delerm est bien présente : les petites phrases de la vie de tous les jours, le détail des choses, les références aussi bien littéraires, cinématographiques ou picturales. Cependant, j’ai souvent eu l’impression qu’il en avait trop mis, que cela manquait parfois un peu d’élagage dans les références. Le contexte littéraire (qui peut inclure le théâtre) pouvait se suffire à lui-même. J’ai beaucoup aimé son regard sur le métier des attachés de presse dans les maisons d’édition, la promotion des auteurs et la relation aux médias (notamment la TV), et j’ai regretté que, petit à petit, ce thème se dilue dans le roman.

J’ai lu ce roman il y a plus d’une semaine et je pense que si j’avais écrit mon billet immédiatement après ma lecture, j’aurais été plus sévère, notamment sur la fin, que sur le moment, je n’ai guère comprise et qui m’a prise au dépourvu, trouvant incongrue la réaction de Marie (je ne peux pas vous en dire plus sans vous dévoiler la fin du roman), pour moi, à la fin de ma lecture, cette réaction ne cadrait pas avec l’image que je m’étais faite de Marie. Pourtant, aujourd’hui, il me semble la mieux comprendre et ma déception d’alors s’est évanouie.

Certes ce n’est pas le roman du siècle, mais c’est une lecture agréable et, comme souvent dans les livres de Delerm, il y a des correspondances, des références, des anecdotes qui nous renvoient à nous-mêmes et nous entraînent à réfléchir, à nous souvenir.

Merci à Anaïs et aux Editions du Seuil.

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24 Commentaires

  1. Très envie de le lire mais je dois patienter sinon le banquier ne va pas apprécier!

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  2. Le thème de ce roman est attirant ! 🙂 Je n’ai encore jamais lu de Delerm.
    Parfois, il vaut mieux laisser décanter un peu la lecture avant d’écrire son billet : ça évite d’être trop dithyrambique puis de le regretter après ou au contraire, de se fâcher pour des détails qu’on n’aurait finalement pas retenus.

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  3. Pas très tentée : j’ai des envies de romans policiers anglais en ce moment.

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  4. valmleslivres

     /  avril 6, 2014

    Ce fut plutôt une déception pour moi, je crois que c’est surtout le personnage de Marie que je n’ai pas su aimer et comprendre.

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  5. Billet très réussi! L’histoire me plait mais voyant tes bémols je vais attendre d’avoir lu tout ce que j’ai à lire !

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  6. Le sujet ne m’attire pas vraiment, même si ton billet est tentant. J’ai le précédent Delerm dans ma PAL, je vais commencer par celui-là.

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  7. Laurence (Lolotte)

     /  avril 7, 2014

    Trop de bons livres sortis en même temps, j’ai passé mon tour sur celui ci et je crois que j’attendrais encore !

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  8. ça ne me donne pas du tout envie… mais je ne suis pas fan de Delerm !

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  9. ha… Delerm… j’ai un peu de mal avec son écriture…

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  10. Je l’ai adoré! Mais j’ai trouvé que le personnage de Marie n’était pas aussi attachant que tous les personnages de Delerm. Ce n’est pas son meilleur mais c’est une jolie lecture!

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  11. Sur ma PAL, mais très moyennement attirée… pour cet été peut-être…

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  12. Une déception pour moi… j’ai vraiment eu du mal à accrocher à ce livre, dont on m’avait pourtant dit du bien. De toute façon je ne suis pas férue de littérature française. Je crois que je vais retourner à mes bons vieux anglo-saxons…

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à vous....