« Les Loyautés » Delphine DE VIGAN.

Processed with Rookie CamDelphine de Vigan et moi, je l’avoue, avons quelques différends. Bien que j’aie lu Les Heures souterraines et cet été No et moi et que ces lectures furent assez positives, il demeure malgré tout un petit bémol qui tient, pour moi, à une trop forte tendance de l’auteure à multiplier les rythmes ternaires. Pourtant ce dernier roman m’a fait envie essentiellement pour son sujet, car je dois le reconnaître ses sujets attisent toujours ma curiosité.

Le roman s’ouvre sur un texte expliquant le titre. Et je dois dire que ce texte m’a mise dans de très bonnes conditions de lecture. J’ai aimé cette idée que nous nous donnons des devoirs, des règles auxquels nous nous tenons sans trop savoir pourquoi et qui peuvent au final nous nuire. Ce texte donne donc l’angle, et le roman apparaît alors comme son illustration.

La parole est partagée entre quatre personnages : Hélène, professeur de SVT ; Théo, élève d’Hélène comme Mathis son copain et enfin Cécile, la mère de Mathis. Si les chapitres sur Théo et Mathis sont rédigés à la troisième personne du singulier, ceux concernant Hélène et Cécile le sont eux au « Je ». Ce choix est judicieux car il dit beaucoup. L’adulte est un moi conscient, tandis que l’enfant, même au collège, est un être qui subit et qui agit parfois inconsciemment contre sa volonté, poussé par une pulsion qui, pour Théo est dévastatrice. Ses actes sont alors à interpréter : que révèlent des notes qui baissent, une tendance à s’endormir en classe, une passivité… ?

Hélène détecte chez Théo un mal-être qu’elle interprète comme venant d’une maltraitance, sans doute parce qu’elle-même en a subi. Il est évident que le fait que je sois prof ait conditionné ma lecture et son appréciation. La peinture que de Vigan fait du collège m’a paru tout à fait juste. Ces enfants qui nous sont confiés et chez qui nous devons être capables de percevoir les failles, les mal-être ; ces profs qui humilient au lieu de chercher à comprendre ; l’infirmière qui tente aussi de percer ce qui se passe dans leur tête en observant leur corps… tout ça, je le connais, je l’ai vécu. Ce qui est intéressant est que de Vigan ne s’intéresse pas seulement aux mal-être adolescent, mais va chercher dans celui des adultes et notamment dans les répercutions que ce mal-être peut avoir sur les enfants. Que ce soit Théo ou Mathis, à des degrés différents, les deux enfants vivent au contact de parents dont les peurs, les penchants cachés, la dépression ou la rancœur vont provoquer en eux des attitudes dangereuses qui ne sont rien d’autres que des appels au secours.

Les Loyautés est un roman qui se lit vite et ce n’est pas forcément un défaut. A travers les chapitres, les personnages se découvrent, les liens se tissent, les révélations se font. Et si Hélène se trompe sur le réel mal-être de Théo, sa sensibilité a cependant bien perçu les failles de Théo.

Certes le rythme ternaire cher à Delphine de Vigan est toujours là présent, mais le fait que je l’ai quelque peu oublié prouve que je me suis laissé emporter par ses personnages, prisonniers de leur passé, de leur enfance, de leur statut social, de leurs parents. Les enfants sont des éponges qui subissent malgré eux les errances des adultes.

Le dernier roman de Delphine de Vigan finalement interroge avant tout sur notre rôle d’adulte vis-à-vis des enfants et sur ce qu’ils attendent de nous sans nous le dire. A nous d’être à leur écoute.

 

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7 Commentaires

  1. J’ai retrouvé un peu de No et moi ( mal être adolescent) et Les heures souterraines ( questionnement de l’adulte). Peut-être avec moins de profondeur.
    Un roman qui interpelle parents mais aussi et surtout professeurs ( comme tu le dis, on y retrouve sûrement du vécu)

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  2. je suis rarement déçue par cette auteure que j’aime beaucoup… je le lirai sous peu !!

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  3. jeneen

     /  janvier 16, 2018

    j’accroche peu avec cette auteure j’essaierai celui-ci s’il vaut le détour 😉

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  4. C’est plutôt rare mais pareil que Jeneen, du mal à accrocher avec cette auteure, on se laisse tenter alors ? Pourquoi pas.

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  5. Tu donnes un avis plus positif que le billet que je viens tout juste de lire sur le même roman. J’aime bien cette complémentarité. J’avoue que je ne sais pas si je lirai ce titre mais le regard de « prof » que tu en donnes m’interpelle forcément !

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  6. une de mes prochaines lectures, j’ai hâte!

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  7. Laure Micmelo

     /  janvier 24, 2018

    Je suis d’accord, il se lit bien, mais j’ai trouvé qu’il était un peu en surface peut-être …

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à vous....