Samedi Sandien #28 : « Histoire de ma vie » (1855)

Samedi Sandien un dimanche, certes mais tant pis! Cette semaine je m’attaque à un gros morceau, puisqu’il s’agit de l’autobiographie de George Sand. Il existe plusieurs éditions : deux éditions intégrales chez La Pléiade par George Lubin, l’autre chez Quarto par Martine Reid, et deux expurgées, l’une éditée par Damien Zanone chez GF (voir ci-dessus), la seconde au Livre de poche par Brigitte Diaz. Toutes ces éditions ont été établies par des professeurs d’université spécialistes de George Sand. L’édition établie par Georges Lubin dans La Pléiade est celle qui fait référence, notamment grâce à l’appareil critique très dense et précis du plus grand spécialiste sandien. Toutefois la particularité de l’autobiographie de George Sand réside dans une première partie consacrée à son père et au Maréchal de Saxe (son ancêtre, puisque sa grand-mère est une fille naturelle du célèbre maréchal). Cette première partie dans laquelle Sand a inséré les lettres de son père à sa grand-mère est assez longue et peut paraître un peu rédhibitoire quand on souhaite aborder la vie de Sand. C’est pourquoi je vous conseille d’opter pour une version en poche qui vous donnera un accès au récit de la vie de George Sand de façon plus directe, même si cela contredit un peu la démarche de George Sand qui n’envisageait pas de raconter sa vie sans raconter au préalable la vie de ses ancêtres.

George Sand commence la rédaction de son autobiographie en 1847 et la poursuit jusqu’en 1855, date de publication. La rédaction s’étale donc sur presque 10 ans, l’interrompant, la reprenant, la corrigeant.

Sand écrit sous le patronage de Rousseau, tout en s’en détachant, voire tout en critiquant son manque d’humilité. Mais au XIXè, écrire son autobiographie c’est forcément se placer sous l’égide de Rousseau et de ses Confessions. Contrairement à Rousseau, Sand ne cherche pas à se justifier, ni à répondre à ses détracteurs :

Qu’aucun de ceux qui m’ont fait du mal ne s’effraie, je ne me souviens pas d’eux ; qu’aucun amateur de scandale ne se réjouisse, je n’écris pas pour lui.

Non, George Sand s’inscrit dans un pacte autobiographique qui dépasse le personnel pour atteindre la majorité. Pour elle, toute expérience humaine, celle des nobles mais aussi des paysans, doit être racontée car peut permettre à ceux qui la lise de s’instruire et surtout de mieux comprendre sa propre vie :

je me suis toujours promis de ne pas mourir sans avoir fait ce que j’ai toujours conseillé aux autres de faire pour eux-mêmes  : une étude sincère de ma propre nature et un examen attentif de ma propre existence. (p.45)

Le projet de son autobiographie s’inscrit donc assez bien dans une conception romantique, puisqu’il s’agit avant tout du récit d’une conscience, mais aussi de la naissance d’un écrivain. Vous ne trouverez donc pas dans les pages de cette autobiographie de détails croustillants sur ses liaisons avec Musset ou Chopin, mais vous aurez l’occasion de découvrir le destin d’une femme au XIXè, une femme qui côtoya le monde artistique et intellectuel, qui croisa Stendhal en voyage, ou Balzac, Liszt et tant d’autres. Qui vous plongera dans la vie théâtrale de l’époque, dans les combats politiques et littéraires.Vous assisterez à la naissance d’un écrivain.

Si j’ai aimé cette œuvre c’est pour la proximité qu’elle nous offre avec son auteur. Sand se livre sans tomber dans la basse confession, rend compte de ses lectures, de ses souffrances d’enfant délaissée par sa mère, de ses interrogations sur la religion, sur l’éducation des filles, sur la place de la femme dans le monde intellectuel régit par les hommes.

Histoire de ma vie est donc une œuvre sans doute essentielle pour mieux comprendre qui fut George Sand, mais aussi pour comprendre une époque. Sa particularité réside notamment dans le fait que Sand se raconte à partir de sa famille, affirmant que l’on s’inscrit toujours dans une histoire familiale précise et que c’est à partir d’elle que l’on se crée. Histoire de ma vie est donc sans doute la première autobiographie moderne écrite par une femme alors même que, pendant sa rédaction, Mémoires d’Outre-tombe de Chateaubriand commence à paraître en feuilletons.

Roman chroniqué dans le cadre du Challenge Romantique, du Challenge Biographie, du Challenge George Sand et de Samedi Sandien : “En 2012 : George lit Sand.

Poster un commentaire

38 Commentaires

  1. C’est intéressant tout ça, je ne le lirai certainement jamais, mais un petit résumé comme ça me convient, merci George.

    Réponse
  2. Rendre passionnante une autobio, y’a que toi pour le faire ! 🙂

    Réponse
  3. En lisant cet article, je pensais justement aux Mémoires d’Outre-tombe de Chateaubriand : la volonté de ne pas s’inscrire dans une autobiographie à la Rousseau, l’importance de la famille et les liaisons amoureuses occultées, notamment, m’ont rappelé ma lecture de l’an dernier. Est-il mieux de commencer par cette Histoire de ma vie ou par une de ses œuvres romanesques?
    (Rien à voir, mais ça fait une drôle d’impression de tomber sur le nom de son promoteur de mémoire quand on fuit l’ouvrage qu’on devrait lire dans la lecture des blogs ^^)

    Réponse
    • Au XIXe tous les autobiographes s’inscrivent par défaut en parallèle avec Rousseau ! Sand qui admirait son oeuvre, est assez critique sur son oeuvre autobio.
      Tu fais un mémoire avec Damien Zanone ????

      Réponse
      • Et oui, un mémoire avec Damien Zanone, mais pas sur le 19e siècle : je préfère le 18e siècle et le libertinage. J’avais aussi réalisé un travail de fin de cycle sur les Mémoires d’Outre-tombe l’an dernier avec lui.

        Réponse
        • C’est marrant ! je le connais pour l’avoir souvent croisé dans des colloques sur Sand ! lors du colloque George Sand en 2004 à Cerisy, il m’avait offert des cigarettes polonaises « George Sand », si si ça existe !

          Réponse
  4. Bah moi, il m’intéresse, le maréchal de Saxe… Tu me donnes envie de me plonger dans cette autobiographie en tout cas.

    Réponse
    • Ah ben tant mieux ! les premiers chapitres sont en effet assez intéressants je pense pour une historienne comme toi ! les lettres de Maurice Dupin sont intéressantes, mais attention Sand les a souvent réécrites ! mais il y a des pages très intéressantes sur la jeunesse de Maurice pendant la Révolution !

      Réponse
  5. Quelle vie passionnante elle a dû avoir… Merci pour cet article très intéressant.

    Réponse
  6. Oui, je sais, il faut que je le lise et c’est vrai que tu en donnes envie! Mais j’ai tellement envie de connaître tous ses romans.
    Un bel article pour le challenge romantique. Merci! Je vais bientôt renvoyer de mon blog (dans la rubrique invitation au romantisme)vers le tien pour aller voir tes contributions au challenge romantique sur Sand.C’est très riche. Je t’avertirai.

    Réponse
    • Ce qui est dommage c’est qu’elle l’ait écrit finalement trop tôt puisqu’elle n’est morte qu’en 1876 soit vingt ans après sa publication ! quand on finit cette autobio on a envie d’avoir la suite, celle qu’elle n’a pas écrite ! il nous reste la correspondance !
      Merci pour ton invitation !!!

      Réponse
  7. quenotte

     /  février 5, 2012

    J’ai lu la version poche et ai trouvé certains passages un peu longs.

    Réponse
  8. Je suis normalement peu adepte des autobiographies mais quand il s’agit de George Sand je crois que ça me passionnerait ! Je crois de toute façon l’avoir téléchargé sur ma liseuse. En tout cas je pense effectivement que c’est une pièce maitresse de son œuvre.

    Réponse
  9. cela fait quelque temps que je cherche à lire une biographie de George Sand sans savoir vers laquelle me tourner je ne voudrais pas non plus tomber dans quelque chose de trop fastidieux, si tu as un conseil à me donner à ce sujet, je suis prenneuse. Je rajoute le lien et merci.

    Réponse
  10. clara

     /  février 5, 2012

    tu donnes envie, bien que je ne sois pas attirée par les autobiographies; je vous retrouverai en fin de semaine , je pars quelques jours, bonne lecture ;

    Réponse
  11. J’ai lu sa biographie en livre de poche Flammarion présentée par Damien zanone que j’ai aussi rencontré à Cerisy (très bon colloque au demeurant!) En lisant sa bio, j’ai éprouvé un vrai plaisir de rencontrer cette femme écrivain dans sa vie de presque tous les jours après avoir visité « sa maison », je me souviens que Brigitte Diaz m’avait regardé bizarrement quand j’avais annoncé que j’étais tombée « amoureuse  » de cette maison à Nohant… Parallèlement, je relisais ses romans « champêtres » et beaucoup d’autres à la suite. Je suis une « fan » !
    J’ai commencé, celle, présentée par Martine Reid il y a peu, bio qui m’a été offerte ! Et oui quand on aime on ne compte pas !

    Réponse
    • Tu étais au colloque de cerisy en 2004 ??? Moi aussi c’est fou on a du se croiser!

      Envoyé de mon iPhone

      Réponse
      • Oui tout à fait ! J’ai même discuté avec deux jeunes dames qui venaient de passer un DEA et une autre qui en préparait un sur le rôle du père dans l’oeuvre de G Sand… Tu étais peut-être l’une de celles-là ????
        J’étais intervenue modestement sur le fait qu’une institutrice d’école maternelle pouvait présenter à ces petits élèves de GS un conte de G Sand…

        Réponse
  12. L’autobio peut être intéressante pour en savoir plus d’une personne, et celle-ci doit être très riche..;cependant, je reste d’abord sur le côté roanesque avec George Sand, il faut djà que j’ouvre cette anthologie d’ici peu…peut-être ma prochaine lecture après …Une odeur de gingembre 😉

    Réponse
  13. Ca me donne beaucoup envie de lire son autobiographie, mais une question me taraude depuis toujours, pourquoi autant d’admiration pour George Sand de ta part? J’arrive à en deviner quelques raisons à travers ce billet mais…

    Réponse
    • Tout a commencé quand j’ai visité Nohant ! je n’avais alors rien lu de George Sand et j’ai été très émue par la visite de sa maison et notamment du petit cimetière qui jouxte sa maison et où elle repose ! depuis cette visite je me suis mise à lire son oeuvre, après avoir lu une biographie, ensuite j’ai intégré un de ses romans dans mon mémoire de DEA, et j’ai entamé une thèse sur son oeuvre romanesque. Depuis elle m’accompagne. voilà tu sais tout !

      Réponse
  14. Bonjour,
    je lis peu d’autobio en temps normal donc ce n’est pas certain que je lise cette « histoire de ma vie », je privilégie souvent les romans. Mais ne sait-on jamais ? D’autant que comme je ne sais plus qui l’a écrit plus haut, moi aussi le maréchal de Saxe m’intéresse ! Et en bonne dix-huitiémiste je ne peux que voir l’empreinte rousseauiste. En plus de ce que tu dis, il y a cette préoccupation autour de l’éducation et certaines thématiques des romans non parisiens : un petit noyau familial éloigné du maelström mondain, tout cela fait très « Jean-Jacques ». Et en même temps il y a des tas de références au progrès de l’agriculture et au développement, ce qui, pour le coup, est à la fois un peu XVIIIe, mais très XIXe… bon j’arrête de déblatérer, tu en sais beaucoup plus que moi sur Sand, je dis des évidences là.
    Bonne journée et merci pour ces beaux billets.

    Réponse
    • George Sand était une grande lectrice de Rousseau, cela est indéniable ! elle a élevé son fils selon les préceptes de Rousseau, mais en les adaptant au caractère de l’enfant ! elle est rousseauiste donc mais aussi capable de s’en détacher. Rousseau se cache dans plusieurs de ses romans, et certains personnages lui ressemblent comme un certain Boisguilbault dans « Le péché de M. Antoine » !
      Merci !!!

      Réponse
  15. Bonjour George, Je ne pense pas un jour lire son autobio, mais seulement certains passages. Je l’ai sur mes étagères, pratiquement indispensable dans le Berry !

    Réponse
  16. Petit voyage depuis chez Claudia car il me semblait bien avoir vu quelque part l’autobiographie de G Sand, voilà j’ai trouvé
    je viens de l’acheter d’occasion en Quarto et je me fais une joie de la lire tranquillement et patiemment
    j’ai peu lu G Sand mais la femme me fascine avec sa vie libre

    Réponse

à vous....