Où sont les femmes ?!!!!

litterature-et-egalite-des-sexes-diglee-3D’abord il y a eu, mercredi, une petite conversation avec une collègue de français à propos du nouveau programme de Term L. Programme imposé qui depuis plusieurs années, et cela même si cette année marque les 20 ans de la disparition de Marguerite Duras, s’entête à ne présenter que des œuvres d’auteurs masculins. Puis il y a eu, hier, la lecture de  l’article de Marie Darrieussecq à propos d’un recueil de nouvelles uniquement composé d’auteurs masculins et que son fils, en 3ème doit lire. Enfin, il y a eu ce matin, l’article de Diglee sur son blog (dont je me suis permise de reprendre une illustration en tête de ce billet) dans lequel elle déplore, elle aussi, le peu place faîte aux auteures femmes dans les classes de lycée et notamment en Term L.

Le problème de la place des auteures femmes dans la littérature et notamment dans les manuels scolaires avait déjà été soulevé sur ce blog, il y a quelques années.

Alors que l’année scolaire se termine, les nouveaux manuels scolaires commencent à arriver dans les établissements et donc dans le mien. Comme toujours, je regarde attentivement quelle place est faite aux femmes. Je consulte donc le fameux Index des auteurs et je compte : entre 3 et 6 sur une centaine de noms cités. Soit entre 3 et 6% d’auteures femmes.

Mais, quand on y regarde encore de plus près, on déprime encore plus. Car, n’allez pas penser que les dits manuels consacrent des pages entières à leurs œuvres. Que nenni. Le plus souvent, elles ne sont citées qu’une fois, soit une seule page pour un texte. Pire, George Sand dans le manuel de chez Magnard paru l’an dernier, n’a la chance d’être dans l’index des auteurs, non pour un extrait de son œuvre, mais parce que Musset lui a dédié certains de ses poèmes.

Le fait le plus marquant est qu’aucune étude d’œuvre intégrale d’auteure femme n’est proposée dans aucun manuel de Seconde que j’ai en ma possession et j’en ai 5 !

Dans les manuels de collège, ce n’est guère mieux. On arrive au même nombre même s’il y a moins d’auteurs dans l’Index que dans les manuels du lycée. Au mieux en 4ème trouvons-nous quelques lettres de Mme de Sévigné ou de George Sand.

Pourtant la femme n’est pas absente des manuels, mais elle n’apparaît que comme sujet des œuvres des auteurs masculins : « Héroïnes tragiques, héroïnes monstrueuses » dans le théâtre classique – « la femme-fée des surréalistes » dans la poésie surréaliste sont quelques titres de séquences que l’on trouve dans un manuel de seconde.

Si on ne s’en tient qu’aux manuels, la littérature n’est enseignée aux élèves, du collège au lycée, que du point de vue masculin et entraîne l’idée que la littérature faite par les femmes ne serait que secondaire et non digne d’intérêt littéraire. Inutile de vous dire que cela me fait bouillir.

Alors je me dis qu’il faudrait peut-être éviter de se laisser téléguider par des manuels. Oui, je l’avoue, parfois par facilité on a tendance à aller vers des auteurs que l’on connaît bien parce qu’on les a étudiés soi-même, parce qu’ils sont cités dans tous les manuels, et ces auteurs sont le plus souvent, voire majoritairement des auteurs masculins. Ainsi on ne fait que perpétuer une mauvaise habitude et rien ne change. Mais, après tout, je suis maître de mes classes et, sans sortir des programmes, il me revient le droit, voire le devoir, de donner à lire à mes élèves des romans, des œuvres où, pour changer, l’auteur serait une femme. J’y pense sérieusement pour l’année prochaine et je vais y travailler cet été. Je sais déjà que je mettrai La femme gelée d’Annie Ernaux au programme de ma future classe de Première. Pour les autres classes, je veillerai aussi à intégrer une œuvre de femme. Je pense déjà à Indiana de Sand en 4ème et pour les Seconde, on verra, mais ils y auront droit aussi.

La littérature n’est pas qu’une affaire d’homme !

Poster un commentaire

24 Commentaires

  1. L’article de Diglee m’avait fait réfléchir il y a quelques mois. Je suis désormais plus vigilante dans mes propres lectures, je veille à lire davantage d’auteures féminines. Dans le cadre de mes cours, je veille à un certain équilibre :point de vue des minorités, réflexion sur les réflexes sexistes, etc.

    Réponse
    • C’est une question qui me taraude depuis longtemps. Mes lectures sont souvent orientées par des intrigues qui s’intéressent à la place de la femme dans la société, et presque inconsciemment j’ai tendance à lire des auteures femmes. Mais aujourd’hui je me dis qu’il est grand temps de les insérer dans mes cours, même si souvent j’y fais référence même quand j’étudie des auteurs hommes.
      Bravo à toi pour ces initiatives que tu mènes de ton côté.

      Réponse
  2. je souris car je viens de faire deux billets tournés vers deux femmes, mais vrai que la littérature et la musique et la peinture, bref les arts en général, à part la danse, ne font pas la part belle aux femmes,
    Elles sont moins nombreuses certes mais est ce une raison pour les oublier voire les enterrer !!!

    Réponse
    • Ah si on touche en plus la musique et la peinture alors je crois que c’est encore pire. Et pourtant Berthe Morisot ou Mary Cassat sont aussi talentueuses que Manet ou Renoir, sans parler de Camille Claudel en sculpture !

      Réponse
  3. La littérature n’est pas qu’une affaire d’hommes mais c’est vrai que l’on ne nous enseigne que des auteurs masculins et même en fac de lettres ça ne s’arrange pas, en tout cas à mon époque, hélas !

    Réponse
    • Je me suis arrêtée au lycée mais évidemment oui en fac de lettres on a exactement le même problème et pour tout te dire je n’arrive pas à me souvenir du nom d’une femme parmi les auteurs étudiés pendant mes années fac ! Heureusement que j’ai choisi Sand en Doctorat 😉 !

      Réponse
  4. Malheureusement, le constat dépasse l’enseignement secondaire, puisque même en fac de lettres, cette années, je n’ai travaillé que sur quatre écrivains femmes (Mme de Lafayette, MC d’Aulnoy, Catherine Bernard et Assia Djebar) sur la bonne vingtaine/trentaine d’auteurs au programme… c’est ahurissant !

    Réponse
    • Hélas oui c’est le même constat ! justement je répondais au commentaire précédent en disant que je n’arrivais pas à me souvenir le nom d’une auteure étudiée en fac, et j’y suis restée un bon bout de temps 😦 !

      Réponse
  5. estellecalim

     /  Mai 7, 2016

    Je suis bien d’accord avec toi, mais les auteurs / éditeurs de manuels pourraient aussi être alertés de ce fait pour être plus vigilants. Il suffirait d’un encouragement vif du ministère pour que la situation s’améliore. On devrait faire un courrier auprès de la ministre du droit des femmes 😉

    Réponse
    • Chiche !!! Je crois que les auteurs/éditeurs suivent le mouvement presque inconsciemment en s’appuyant toujours sur les mêmes auteurs. C’est vrai que c’est difficile de ne pas étudier Zola pour le naturalisme en seconde, mais on peut faire quelques efforts en argumentation par exemple avec Mme du Chatelet par exemple.

      Réponse
  6. Bonjour
    Oui, peu de place pour les auteurs féminines au collège, et ce, depuis fort longtemps ! En 3e, mes élèves ont lu La place d’Annie Ernaux et Le bal d’Irène Némirovsky. En 4e, je fais lire La mare au diable et les lettres de Calamity Jane à sa fille.

    Réponse
    • Génial Sharon. Comme toi je pense mettre ma Sand au programme en 4ème l’an prochain. Finalement c’est par les profs, individuellement, que les choses peuvent changer !

      Réponse
  7. C’est clair que les auteurs masculins sont malheureusement majoritaires dans les programmes ! Mais en temps que prof, avez-vous la latitude de faire découvrir les auteurs de votre choix également ? Je me rappelle qu’en terminale L, ma prof de philo nous avait fait découvrir Julia Kristeva… 🙂

    Réponse
    • Oui Dieu merci nous avons une latitude. Mais beaucoup de profs travaillent avec un manuel à l’appui donc il faut une initiative personnelle du prof pour construire une séquence qui inclurait des femmes.

      Réponse
  8. Bravo. Je n’avais pas pensé à la gravité de la situation. Bon courage pour vos préparations et j’aimerais que ma petite fille ait une prof comme vous.

    Réponse
  9. Je te fais confiance pour mettre toutes ces écrivaines ou auteures au programme de tes classes !!! Oui, c’est par vous les profs et ceci dès la maternelle que vous donnez la part belle aux auteures, part qui leur revient depuis si longtemps ! Trouver le juste équilibre pour ne pas singer les hommes !
    Bonne soirée !

    Réponse
  10. A ce sujet justement, il y a une exposition très intéressante dans un petit musée Normand (à Vernon) intitulée « portraits de femmes » où il est question des femmes peintres du XIXe et leur sujet :les femmes. C’est tres bien fait.

    Réponse
  11. Ce qui est surprenant c’est que la situation est donc en régression , j’ai fait mes études de lettres dans les années 70, j’ai étudié Marie de France, Louis Labé, Georges Sand, Colette, Simone de Beauvoir, Marguerite Yourcenar et en littérature comparée beaucoup d’écrivaines anglaises et américaines.

    Réponse
  12. Je te soutiens entièrement, les romans les plus intéressants m’ont été conseillés par la responsable du CDI au collège et par des bibliothécaires, je n’ai malheureusement pas de bons souvenirs de lecture venant de mes professeurs alors bravo à toi si tu peux ouvrir l’esprit de tes élèves

    Réponse
  13. Je sens juste la moutarde me monter au nez quand je lis ça, si même les programmes de l’éducation nationale sont misogynes où va t-on ?? Tu fais bien de te révolter, et d’imposer des autrices…

    Réponse
  14. Sarah

     /  Mai 13, 2016

    Les programmes et les emplois du temps sont déjà chargés, difficile de trouver de la place. La seule solution, c’est de radicalement accepter de laisser de côté certains « grands écrivains » pour faire de la place aux femmes. Mais dans ce cas, quels hommes ? J’imagine que ce n’est pas prêt d’être seulement envisagé !

    Réponse

à vous....