« Xingu » Edith Wharton (« Un Jeudi, Un Livre #5)

Ce texte d’Edith Wharton m’a été suggéré par Matilda après mon billet sur Le vice de la lecture, il y a deux semaines. Je ne connaissais pas du tout cette nouvelle (quelques 50 pages), mais le sujet m’a tout de suite intéressée.

Dans une petite ville américaine, plusieurs femmes de la bonne société ont créé un club, Le Lunch Club, qui se réunit tous les jeudis après-midi pour discuter sur divers sujets culturels : la littérature, l’art, mais aussi la science. Or ce jeudi là, elles accueillent la célèbre une romancière très en vue : Orsic Dane. Toutes ont lu son roman Les Ailes de la mort, exceptée Mrs Roby, nouvelle arrivée dans le club, et peu appréciée par les autres membres. Mais cette rencontre ne va pas se passer comme prévue, quand Mrs Roby évoque le Xingu.

Dans cette société aisée américaine, les femmes de ce club ont pignon sur rue, et sont fières de leurs connaissances, et de leur supériorité. L’une revendique sa collection d’œuvres d’art, nécessaire dans sa situation financière, l’autre marque sa place par sa position de directrice du club… mais on se rend assez vite compte que ces braves femmes ne se jugent cultivées que par rapport à un niveau général assez bas. Mrs Leveret permet d’ailleurs aux autres de briller : Comme elle ignorait que sa valeur, aux yeux de ces dames, se bornait à celle d’un miroir leur renvoyant l’image de leur fatuité intellectuelle, elle s’inquiétait parfois jusqu’à se demander si elle était vraiment à la hauteur de leurs débats. (pp.12/13).

Edith Wharton dresse donc ici un portrait assez critique sur ces femmes riches et établies socialement, qui, fortes de cette position, pensent briller aussi par leur intelligence. Elles accumulent les peintures, les livres, mettent un point d’honneur à tout lire, à être au courant des dernières parutions. Elles sont en rivalité, à qui possédera le meilleur dictionnaire, ou le plus de livres. Toutes ces dames se prennent très au sérieux, et n’envisagent jamais la culture comme un loisir, un plaisir.

Pour ma part, je me demande comment, alors qu’il y a tant de livres auxquels on ne peut échapper, certaines personnes trouvent encore le temps de lire pour s’amuser. (p.13)

En cela ces femmes appartiennent donc à la fameuse catégorie des lecteurs mécaniques que définit Edith Wharton dans Le Vice de la lecture. La lecture n’est pas pour elles, un plaisir, une nécessité, mais un devoir social, presque une compétition.

Seule Mrs Roby aura les grâces d’Edith Wharton : ayant vécu au Brésil, intégrée sur recommandation au Lunch Club, jugée vulgaire par les autres membres, elle est celle qui va vriller la mécanique bien huilée en se servant de la présence de la romancière, elle-même peu disposée aux conversations vaines des dames du club.

En lançant une conversation sur le Xingu, Mrs Roby va prendre ses dames à leur propre piège. Car qu’est-ce donc que le Xingu? Ces dames, incapables de reconnaître une méconnaissance, vont s’enliser dans des dialogues plein de quiproquos et très drôles.

Une nouvelle donc très agréable et qui illustre parfaitement l’essai de Wharton sur la lecture.

Un Jeudi, Un Livre

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Défi Mia : 9/12

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28 Commentaires

  1. j’ai pu le trouver en version anglaise à télécharger et imprimer car plus possible de le trouver en FR ou sur amazon et j’avais très envie de le re-découvrir

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  2. C’est une satire sociale fort intéressante ! Mais on peut lire par « devoir » (comme la Reine d’Angleterre au début de la Reine des lectrices) et devenir une passionnée, il n’y a pas dans cette nouvelle les notions choquantes d’inné et d’acquis… Les lectrices mécaniques sont tout simplement stupides de fatuité ! un peu comme les lecteurs mondains de certains salons actuels qui parlent des livres en ayant lu que la 4ème de couv’ ! Il m’intéresse ton petit 50 pages 🙂

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  3. Et ben, ça a l’ai plutôt bien sympathique, un rendez-vous du jeudi bien réussi donc !
    Bises !

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  4. J’aime tes RDV du jeudi. Il faudrait aussi que je me trouve des petites lectures de ce genre. Là je suis dans un pavé de 600 pages.

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      Justement quand on lit un pavé ça permet de souffler un peu ! je serais heureuse de t’accueillir !

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  5. Il m’intéresse ce petit livre…. je vais voir à la bibliothèque si ils l’ont

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  6. super petit livre, je le note, ton billet est très tentant et j’aime bien <wharton. bonne nuit

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      J’espère que tu auras l’occasion de le lire car une nouvelle très agréable à lire !

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  7. Autant son essai sur la lecture me faisait peur, autant celui-ci me tente terriblement…. Mais si tu voyais ma table de nuit…. :-s

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      Il ne fait qu’une cinquantaine de pages, parfait pour lire dans le métro 😉

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  8. A lire d’urgence alors ! Un titre que je ne connaissais pas, et je ne doute pas que le sens de la satyre sociale propre à Wharton fasse merveille !

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      Je ne connaissais pas non plus avant que Matilda ne m’en parle ! j’espère que tu le trouveras et qu’il te plaira !

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  9. C’est pitoyable ce genre de club ! Faut espérer que cette superficialité engendre un vrai plaisir, un épanouissement, dans la lecture.

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  10. Je suis contente qu’il t’ait plu 🙂 Franchement c’est un très bon complètement au Vice de la lecture, ils devraient l’éditer dans le même volume o/ Et puis au moins grâce à sa description de ces lectrices vaines on comprend bien qui elle fustige par son lecteur mécanique.

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      Vraiment merci pour cette découverte 🙂 ! et comme tu le dis ça permet d’éclairer son essai !

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  11. Comme le dit Matilda, là nous voyons mieux qui sont ces fameuses lectrices mécaniques…et le sujet est intéressant…encore un rendez-vous réussi à ce que je vois…

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      j’aime vraiment bien ces jeudis et j’ai l’impression que ma PAL descend, miracle !!!

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  12. Tu me remets cette petite nouvelle en tête ! Très caustique.

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    • les Livres de George

       /  octobre 23, 2011

      en effet très caustique et ironique ! et puis elle nous prend aussi au piège 😉

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  13. Je suis davantage tentée par ce petit livre que par l’essai sur la lecture … après deux pavés pas très évident, je veux du facile à lire et le thème me semble tellement d’actualité aux USA ou ailleurs …

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    • les Livres de George

       /  octobre 23, 2011

      l’essai se lit bien mais c’est vrai que cette nouvelle est très agréable !

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  14. Cette nouvelle a l’air merveilleusement caustique ! Je la lirai effectivement avec son essai : peut-être rend-elle plus clair par la fiction certains des aspects qui ont le plus choqué dans son essai ?

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    • les Livres de George

       /  novembre 1, 2011

      cette nouvelle permet en effet de mieux comprendre les ides qu’elle dveloppe dans son essai et la lecture des deux en parallle est trs enrichissante !

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à vous....