Samedi Sandien #14 : « La Petite Fadette » (1849)

Aujourd’hui sans doute le roman le plus connu de George Sand. Comment aborder un roman lu et relu, commenté et recommenté ?

Comme La Mare au Diable, La Petite Fadette intervient à un moment où George Sand, déçue par la tournure des évènements politiques de 1848 (c’est-à-dire suite à la Révolution 1848, et l’échec des revendications populaires), souhaite revenir aux sources, et se retire à Nohant. Elle souhaite revenir à des choses plus innocentes. Le roman se situe dans la Vallée Noire, le Berry berceau de Sand mais aussi lieu des superstitions. Plus qu’un roman champêtre, La Petite Fadette est surtout un roman berrichon.

Le Père Barbeau et sa femme viennent d’avoir des jumeaux, des bessons : Landry et Sylvinet (Sylvain). Un peu déroutés par cette double naissance, ils demandent quelques conseils d’éducation à la Sagette (qui porte bien son nom). Celle-ci leur conseille de les dissocier, mais ils ne suivent pas tous ces bons conseils, et leur donne le même lait. En grandissant Landry devient fort et beau, tandis que Sylvinet reste gringalet et développe une grande jalousie envers son frère.

Fadette, et son petit frère Jeanet sont élevés par la mère Fadet. Leur mère les a abandonnés et leur père est mort de chagrin. La mère Fadet est connue dans la région pour être un peu sorcière. Elle connait les plantes et leurs vertus. Fadette est une petite sauvageonne. Son nom, outre qu’il vient du nom de la mère qui l’éduque, est un terme du patois signifiant Lutin ou petite fée. Mal fagotée, « noireaude », Fadette n’a pas bonne réputation dans la région. Pourtant, c’est grâce à son intervention, que Sylvinet va être retrouvé après l’une de ses fugues.

Plusieurs thèmes se trouvent réunis dans ce petit roman. Tout d’abord le thème de la gémellité. Bien que traitant de la rivalité fraternelle, thème fréquent dans les romans, George Sand l’aborde dans ce roman sous l’angle de la gémellité, thème peu traité en littérature à l’époque. George Sand sait décrire, avec une grande modernité, les affres de la jalousie entre jumeaux. Elle montre parfaitement le désarroi des parents, les problèmes d’éducation, les différences physiques des deux frères, leur évolution, comment l’un parvient à se dissocier de son frère, tandis que l’autre, trop attaché à son frère, ne parvient pas à s’épanouir en dehors de cette gémellité. Mais l’étrangeté de la gémellité est aussi très présente.

Pourtant le roman ne porte pas pour titre le nom des jumeaux mais celui de Fadette. Et qui donc est cette petite fille de 14 ans, qui en paraît 12 ? Petite sauvageonne, vivant dans et de la nature, elle se distingue par une sagesse innée. Car sa sagesse vient du cœur. Bravant la mauvaise réputation qui plane sur sa famille, elle va venir en aide à la famille Barbeau. Vilain petit canard devenant cygne, Fadette a beaucoup à voir avec un autre personnage de George Sand : Consuelo, créée en 1842 dans le roman éponyme. Comme son aînée, Fadette va subir une transformation, qui va la révéler en tant que femme. La difficulté est de passer du rang de paria au rang d’épouse.

S’ouvre alors le troisième thème du roman : la paternité en la figure du père Barbeau. Comme le père de La Mare au diable, le père Barbeau est un patriarche, mais Sand en fait un père aimant et dévoué à sa famille, sans lui faire perdre son autorité :

Le père Barbeau était un homme de bon courage, pas méchant, et très porté pour sa famille, sans être injuste à ses voisins et paroissiens. (p.35)

Le père Barbeau est celui qui va permettre le passage de la Fadette d’un état à un autre. Et cette reconnaissance paternelle entraîne comme une seconde naissance. Il a su dépasser les médisances et les superstitions pour mener sa propre enquête et se faire sa propre idée sur Fadette.

Allons, voulez-vous donner le baiser de paix au tuteur que vous vous étiez choisi, ou au père qui veut vous adopter ? La petite Fadette ne put se défendre plus longtemps ; elle jeta ses deux bras au cou du père Barbeau ; et son vieux cœur en fut tout réjoui.

Par ce roman George Sand revient aux sources, le Berry, mais aussi au sens de la famille dont le socle est l’amour, sans cet élément subsiste superstition et médisance. En utilisant le patois berrichon, elle crée un roman régional, qui n’est pas, là encore, qu’un roman pour la jeunesse. Elle parvient à mêler éléments réalistes mais aussi croyances paysannes faites de feux follet, de fées et de magie :

quand tu sautes sur une jument, sans bride ni selle, tu la fais galoper comme si le diable était dessus.

Fadette tient aussi de la jeune Aurore Dupin, qui jouait avec les petits paysans et aimait monter à cheval et faire jaser le petit village de La Châtre.

J’espère vous avoir donné envie de lire ou relire ce beau roman.

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21 Commentaires

  1. « La petite Fadette » est un de mes meilleurs souvenirs d’enfance de lecture!… Qu’est-ce que j’ai pu frissonner pendant la scène de nuit avec les feux follets!… Fadette, je m’en sentais très proche à l’époque (j’avais 12ans environ quand je l’ai lu…)… Et puis, lire ce roman en pleine campagne Berrichonne, au pied d’un arbre au milieu d’un champ, c’est l’idéal… Le même été, je crois bien l’avoir lu deux fois d’affilé… Et toi, avec ce magnifique billet, tu viens de me redonner envie de le lire!… Même si je suis loin du Berry, même si ma Tante adorée n’est pas là pour me le tendre en me montrant le pied de l’arbre et son ombre… 😉

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 23, 2011

      elle est fantastique ta tante, non seulement elle te trouve le bouquin mais en plus le meilleur endroit pour le lire ! une passeuse de livre précieuse ! si tu le relis je suis curieuse de connaître ton impression !

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  2. Bonjour!

    j’ai lu « la petite Fadette » il y a peu de temps et j’ai beaucoup apprécié!! 🙂

    Mes lectures de Sand me font de plus en plus apprécier cette romancière!

    Merci George pour ce challenge!! 🙂

    Bon we de pâque!

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 23, 2011

      j’en suis très heureuse, c’est une belle récompense pour moi !
      bonne pâque et ne mange pas trop de chocolat !

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  3. Ah ! La petite « Farfadette », un souvenir de jeunesse impérissabel !! Que ne me suis-je pas identifiée à elle bien plus qu’aux héroïnes de la Bibliothèque Rose ?? Le relire serait toujours un bon moment !! Le Berry et ses légendes m’attirait tout autant que les personnages… Le retrouver va être un plaisir !! Merci George pour ces samedis sandiens qui nous rappellent que George Sand était bien plus qu’une conteuse !! 😉

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 23, 2011

      En faisant le billet je me disais qu’il faudrait que je le relise aussi !

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  4. Comme je l’ai dans ma PAL,je vais le lire : en plus j’ai pris un film et une bio de george pour ce w-e ! qui sera sandien ou ne sera pas !

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  5. Si ce n’était déjà le cas, bien sûr que ton billet me donnerait envie de relire ce superbe roman d’apprentissage ! Je l’ai lu vers dix ans et je m’identifiais beaucoup à ce personnage de vilain petit canard qui prouve avec le temps sa valeur, malgré sa mauvaise réputation. Et quelle jolie histoire d’amour ! C’est le roman que j’aimerais offrir à une petite fille, si l’occasion se présentait.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 23, 2011

      je vais attendre encore deux ou trois ans pour le faire lire à mon fils aîné 😉 !

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  6. Je l’ai lu enfant et j’en gardais le souvenir d’un livre étrange qui m’avait fait plutôt peur (la scène des feux follets). Je l’ai relu il y a trois-quatre ans et j’ai été étonnée de sa richesse et sa profondeur, la description du milieu, la nature, les relations entre les personnes et sa modernité aussi par certains côtés. Bref, une relecture adulte qui m’a beaucoup plu.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 24, 2011

      C’est vrai que je n’ai pas beaucoup insisté sur l’aspect « fantastique » de ce roman et qu’il resterait donc encore beaucoup à dire !

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  7. Mon roman préféré de Georges Sand…

    Ta chronique reste bien plus détaillée que la mienne, c’est un plaisir à lire, merci!

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  8. Tonia

     /  avril 25, 2011

    Je l’ai lu pour la première fois quand j’étais petite, et depuis ce roman est resté spécial pour moi. C’est si…charmant, je ne sais pas…enchanteur… 🙂
    Merci pour ce billet qui fait réfléchir plus en profondeur sur le livre (jusque là je n’avais pensé qu’à mon plaisir ^^). Ça me donne très envie de le relire et je m’en réjouis d’avance!

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 26, 2011

      « enchanteur » c’est je crois la terme parfait pour ce roman ! je suis heureuse de t’avoir donné envie de le relire autrement !

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  9. J’avais lu ce roman alors que j’étais toute jeune (je devais avoir 9 ou 10 ans). Je me souviens que j’avais beaucoup aimé et, que ce roman avait contribué à mon amour de la lecture. C’est, à ce jour, le seul George Sand que j’ai lu. J’ai retrouvé mon exemplaire ; je compte bien relire cette oeuvre et continer ma découverte de cet auteur, qui me correspondrait…

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  avril 26, 2011

      tu sais peut-être que j’ai créé un challenge George Sand, si tu as envie d’y participer n’hésite pas !

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  10. Un que je n’ai pas lu mais, comme toujours, tu as su donner envie! Beaucoup de tendresse dans ce billet.

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  11. tiens, je ne me souviens pas de tout…
    à relire,donc !

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  12. Briche

     /  février 8, 2016

    Bonjour,
    Je viens de finir de lire le livre que j’ai beaucoup apprécié.
    Etant en classe de 3ème, je passe l’épreuve d’histoire des arts à la fin de l’année et pense choisir cette oeuvre et la présenter.
    Serai-il donc possible d’avoir une analyse plus en détails de certain passage notamment de la première moitié ??? (ma présentation doit durer 15 minutes )
    Bonne journée
    Merci d’avance.

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à vous....