« Le Libraire de Kaboul » Asne Seierstad

J’ai été amenée à lire ce roman dans le cadre du Club des Lectrices, sinon je pense que je ne l’aurais jamais lu spontanément. Ce fut donc une découverte intéressante.

Asne Seierstad est une journaliste norvégienne, elle a couvert la chute des Taliban (sans S) en 2001, et est donc particulièrement au fait des évènements qui secouèrent l’Afghanistan au début du XXIème siècle. Pour écrire ce récit, elle s’est immergée au sein d’une famille afghane qui l’a accueillie, lui permettant de vivre à ses côtés, de participer à son mode de vie. Comme elle l’explique dans son Avant-Propos, elle n’a pas choisi une famille particulièrement représentative, car la famille de Sultan est plutôt à l’aise financièrement, ce qui était loin d’être le cas de toutes les familles afghanes à l’époque. Le récit prend son ancrage après le départ des Taliban, au moment où Kaboul retrouve la liberté après plusieurs années d’oppression.

J’ai voulu donner à ce récit l’aspect de la fiction, explique Asne Seierstad. Récit, fiction, roman, la définition n’est pas facile à faire et la lecture ne permet pas vraiment de trancher. S’inspirant de son expérience d’immersion, l’auteur a certes changé le nom des membres de la famille, a reconstitué des moments qu’elle n’avait pas vécus mais qu’on lui a racontés, tout cela mêlé à une expérience vécue aux côtés de cette famille. Cette indétermination entre récit et roman m’a justement un peu gênée car le style est souvent très proche d’un reportage journaliste avec de longs développements sur la situation historique de l’Afghanistan qui éloignent le lecteur du sujet principal : la vie d’une famille. Ce qui entraîne aussi un style quelque peu désincarné et froid, loin donc d’un style romanesque dans lequel l’auteur laisserait transparaître ses propres sentiments.

Cependant plusieurs points sont intéressants, et en premier lieu la description des conditions de vie des femmes, leur soumission au père, chef de famille, et aux frères, les mariages organisés, leur accès impossible aux études ou à l’exercice d’un métier, et le port de la Burka. J’ai notamment trouvé passionnant le passage où l’auteur décrit précisément les sensations, l’inconfort ressentis enfermée dans cette burka qui contraint à un champ de vision limité, la chaleur éprouvée, qui place le lecteur au cœur de cette burka, et permet de mieux comprendre l’enfer de porter un tel vêtement.

Liée à la condition de la femme, la vision de cette société patriarcale dans tout ce qu’elle peut avoir d’archaïque, est incarnée par Sultan, le libraire et chef de famille, qui exerce sur tous les membres un pouvoir despotique même envers ses fils. Homme détestable, sans pitié, son état de libraire et de pseudo érudit ne fait pas de lui un homme éclairé. Personnage central, puisque le titre même de ce livre fait référence à Sultan, il est l’élément central à la fois de sa famille et du livre, tous les membres sont dépendants de ses décisions.

Le titre donc met l’accent sur son état de libraire, dans une ville où, du temps des Taliban, les livres étaient brûlés, les représentations humaines prohibés dans les illustrations. Emprisonné plusieurs fois sous le règne des Taliban, Sultan fut en quelque sorte un résistant au régime, mais après la chute des Taliban, il semble que sa seule préoccupation ne soit plus littéraire mais commerciale. Dans un pays où la scolarisation est quasi inexistante, où la majorité des habitants est analphabète, le libraire fait figure d’érudit. Mais l’auteur ne fait, finalement qu’une place assez restreinte aux livres, seul le chapitre « Autodafé » rend compte de la lutte des Taliban contre la culture livresque, mais dans la suite du livre, le livre ne devient qu’un objet commercial permettant l’enrichissement de Sultan.

Le livre est paru en 2002 et a entraîné plusieurs polémiques. En effet la vraie famille dont l’auteur a partagé la vie pendant 5 mois, a intenté un procès demandant des dommages et intérêts pour avoir nui à sa réputation. La seconde épouse a par ailleurs reçu plus de 15 000 euros, et le libraire a voulu restaurer la vérité en publiant un droit de réponse intitulé : Il était une fois un libraire à Kaboul.

Un livre donc intéressant mais un peu fouilli, qui aurait pu être plus synthétisé, et qui oscille sans cesse entre récit fictionnel et reportage journalistique. Composé de plusieurs chapitres faisant chacun cas d’un des membres, certains développements sont moins pertinents.

Lu dans le cadre du Club des Lectrices et du Challenge Le nez dans les livres.

Star 3

Défi Mia : 8/12

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36 Commentaires

  1. Je suis toujours intéressée de découvrir des livres qui permettent de connaître la vie en Afghanistan (comme Les cerfs-volants de Kaboul). Je vais le noter.

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      Je n’ai pas lu « les cerfs volants » mais nous en avons parlé hier lors de notre réunion et ça m’a donné envie de le lire !

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  2. Un titre bien alléchant pourtant mais ça ne me dit rien du tout en ce moment malgré ton beau billet, ma PAL te salue bien bas… 🙂

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      Je salue ta PAL à mon tour, ce n’est pas non plus une lecture essentielle, je pense qu’il existe d’autres romans sur l’Afghanistan qui doivent être meilleurs !

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  3. Très beau billet qui donne envie. Le côté documentaire m’intéresse aussi. Je connais très mal l’Afghanistan à part ce qu’on en dit à la télévision. Ce livre a l’air de donner un point de vue plus détaillé à travers l’expérience personnelle de l’auteur. Je le note tout de suite. Merci George 🙂

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      On apprends effectivement beaucoup de choses, même si ce texte commence à dater un peu malgré tout !

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  4. Bizarrement, ce n’est pas un sujet qui m’attire plus que ça en ce moment… Plus tard, je ne dis pas… Mais pas en ce moment… En tous les cas, ton billet donne envie de découvrir la vie de cette famille…

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      Certains passages sont assez durs, il faut être dans une bonne phase pour lire ce roman !

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  5. Nn seulement ce roman doit être intéressant à lire, mais ma curiosité me pousserait également à me pencher un peu sur les écrits de ce libraire, savoir sa réponse suite à la parution du roman….je verrais si mon bouquiniste à ce roman tiens…

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      peut-être es-tu déjà en train de le chercher chez ton bouquiniste 😉

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      • j’ai craqué au « Rêve… »mais pas pour celui-ci..bienvenue à « testament à l’anglaise » de Jonathan Coe ! 😉

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  6. Comme Asphodèle, oui mais non 😉

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  7. Merci pour cette découverte miss et 7/12, tu es bien dans les temps, bises !!!

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      je crains un peu d’avoir un rythme plus ralenti pendant les vacances 😦 !

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      • J’en suis à la moitié moi, tout juste 8/16, ça devrait le faire mdr ! « Les charmes discrets de la vie conjugale » qui n’était pas prévue m’a un peu mit à la bourre avec ses 600 pages mdr !

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        • les Livres de George

           /  octobre 17, 2011

          Moi j’ai dépassé la moitié 😉 !!! alors « les charmes » tu en penses quoi ?

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          • C’était une relecture pour moi, d’un premier jet je te dirais que j’ai aimé !
            Je le trouve très intéressant sur ce qu’il représente, le train train, l’acceptation, cet « amour sécurité » etc …. Mais il m’interpelle ce livre, j’ai un mal fou à monter ma critique en tout cas … J’ai hâte de découvrir vos avis !

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  8. Obs

     /  octobre 17, 2011

    Je dirais plutôt « intenter un procès ». Question d’ambiance à Kaboul, je présume 🙂

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  9. Nous avons parmi nos amis un couple afghan qui a fui, et nous avons donc un témoignage de première main sur la vie là-bas. Ils ne sont pas tendres envers certains.
    Ce livre ne me tente pas trop, j’ai l’impression qu’il a voulu surfer sur la vague de la guerre. Je suis plus tentée par Les cerfs volants de Kaboul, dans ma PAL.

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    • les Livres de George

       /  octobre 17, 2011

      je ne sais pas si l’auteur a voulu surfer sur la vague, mais je pense par contre qu’il y a un manque de recul nécessaire, et que ses reportages en tant que journaliste ont tendance à contaminer le récit! « les cerfs volants de kaboul » me tente aussi beaucoup, je crois que ma mère l’a, je vais peut-être lui remprunter pendant les vacances !

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  10. Le sujet m’intéresse, mais ce livre-là, vu ce que tu en dis, ne me tente pas. Je crois que j’ai Les cerfs-volants de Kaboul dans mon énorme PAL mais je n’en jurerais pas!
    Pas commencé Les charmes de la vie conjugale… Demain ou après-demain, j’espère… Suis toujours méga à la bourre dans mes lectures!

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    • les Livres de George

       /  octobre 18, 2011

      au fait je voulais te dire que si tu veux on peut repousser la LC sur Kennedy ! je pars dimanche pour grenoble et ne reviens que début novembre, ça nous permettrait de prendre un peu plus de temps 😉

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      • C’est pas de refus! Je pars aussi en vacances avec le monstre et je ne sais pas ce qu’il me laissera comme temps pour lire!

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        • les Livres de George

           /  octobre 19, 2011

          dis-moi quand ça t’arrange ! j’ai déjà reporté « la ferme africaine au 10 novembre, si on le met pour le 20 novembre ça te va ?

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  11. Le sujet doit être passionnant et on doit apprendre plein de choses mais je crains un peu le côté brouillon … c’est le genre de choses qui peut me faire abandonner une lecture !

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  12. Beau billet mais je passe, j’ai lu les « cerfs-volants de Kaboul » mais j’ai encore préféré » les hirondelles de Kaboul » (de Khadra).

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  13. Ah George… Mais comment fais-tu pour être si brillante? Tu arriverais presque à me faire changer d’avis…

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  14. J’ai une LC (Coraline de Neil Gaimann) le 18/11, ça risque d’être un peu chaud pour moi! Je vois que, de ton côté, tu as une LC de prévue le 25/11. Au point où on en est, que dirais-tu du 30/11?

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  15. J’ai lu ce livre il y a longtemps, ce qui m’a vraiment étonnée dans ce récit c’est que ce libraire est particulièrement génial quand il parle de sa librairie de la façon dont il a préservé les livres et la littérature de son pays face à toutes les invasions, on peut voir que cet homme est lettré qu’il aime la littérature, mais comment ce même homme peut-il se comporter d’une façon aussi « primaire » quand il s’agit de sa femme et de ses filles ? J’ai vraiment aimé ce livre qui parle vraiment bien de la condition féminine en Afghanistan.

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    • les Livres de George

       /  octobre 21, 2011

      Il est surtout question des livres dans les premiers chapitres, par la suite l’auteur en parle beaucoup moins et uniquement d’un point de vue commercial ! lors de la réunion du Club nous avons aussi été étonnées de son comportement envers les femmes de sa famille, comme quoi lire et être instruit ne font pas tout, mais il y a aussi un ancrage dans les coutumes qui dicte les comportements !

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  16. Je suis tombée sur ce livre par hasard dans un vide-greniers à la fin de l’été. Étant donné qu’on en parlait dans la liste du Challange Le nez dans les livres et son petit prix, je l’ai acheté. J’ai l’intention de le lire d’ici la fin du challenge… 😉

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à vous....