« La présence » Pierre Jourde

Donc l’alcôve cette fois, porte ouverte, pour faire baisser la pression, montrer à la maison que je ne la crains pas, ne me ferme pas à elle. Mais c’est aussi me livrer à elle, sans protection, ouvrir la possibilité du visage apparaissant à la vitre dépolie, de la silhouette debout à côté de mon lit. (p.34)

Le peur nocturne, les vieilles maisons silencieuses, le silence pesant, les réminiscences de l’enfance, le parquet qui craque, la porte qui s’ouvre et se ferme comme d’elle-même. Pierre Jourde dans ce court texte revient sur ses peurs anciennes et toujours présentes. Ces peurs que je connais si bien, depuis l’enfance aussi, irraisonnées, incontrôlables, comme Jourde j’ai en mémoire de ces nuits d’insomnie passées la lampe de chevet allumée toute la nuit, les livres lus, les lettres écrites pour faire diversion, et l’endormissement aux premières lueurs du jour perçant à travers les volets non clos. J’ai fini ce texte ce matin, la maison était silencieuse et déserte, cette maison qui est la mienne, que je connais bien, et pourtant, malgré le jour, les angoisses de Jourde ont su répondre aux miennes. Peur, de la mort, du silence, de ceux qui ne sont plus, de ce que nous ne serons plus, un jour.

Texte dense, évocateur, vocabulaire riche, réflexion philosophique parfois, pour tenter de déjouer la peur qui étreint, et s’évapore avec le jour libérateur :

Durant la journée qui va suivre ma nuit de peur, j’aurai l’impression de revivre. Je suis passé par l’agonie, l’angustia, ce tunnel étroit dans lequel on se glisse difficilement, et voici, je nais. (p.80).

Bien sûr ces peurs paraissent bien ridicules au matin, nous font un peu honte, Jourde en montre toute la théâtralité, la mise en scène, comment la peur engendre la peur, comment notre propre souffle semble venir d’une présence impalpable et imminente en même temps. A la fois tentative de comprendre, mais prise de conscience aussi que rien n’y fait, et que la nuit revenue, la peur reviendra. Car elle est en nous, (ou ne l’est pas pour certains chanceux), nait de légendes familiales, d’êtres chers partis trop tôt, alors que l’enfance n’est pas préparée à se heurter à l’inconnu de la mort, à basculer dans ce monde de peur, d’angoisse qui s’imprime alors en nous. Durant ces nuits d’insomnie, l’autre versant du monde est à la frontière du monde réel, presque palpable, j’ai cru voir, ou vu : une lampe s’allumer ou s’éteindre, une porte s’ouvrir et se refermer, une présence se pencher sur mon lit, sentir un souffle sur ma nuque… Moins courageuse de Pierre Jourde, ma lampe de chevet brûlait toute la nuit, et depuis j’évite les tristes maisons silencieuses en solitaire.

Ce texte s’inscrit dans une nouvelle série des Editions Les Allusifs sur « Les Peurs ».

Merci à Masse Critique et à Aude S. des Allusifs.

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19 Commentaires

  1. Il a l’air vraiment bien ce bouquin ! Je le note sur ma liste !

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 6, 2011

      Je pourrais te le prêter si tu veux 😉

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      • Pourquoi pas. Mais pas maintenant. Il FAUT que je vide ma PAL !!! Je n’emprunte plus et je n’achète plus ! Et je n’accepte plus de partenariat (ah ça, non je peux pas…)

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  2. Tu me donnes envie de lire ce livre aussi moi qui connais bien ces peurs dans les grandes maisons trop vides.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 6, 2011

      On sent revenir les angoisses enfouies, à éviter de lire seule dans une maison déserte la nuit 😉

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  3. j’ai déjà vécu ces peurs là quand je vivais en Isère, dans un petit hameau sur les hauts d’Uriage… J’étais enceinte de mon fils et son père partait parfois plusieurs jours d’affilé… Je me calfeutrai chez moi mais ça n’empêche pas que je tremblais aux moindres bruits bizarres 😉 Je ne sais pas si j’aurai le courage de lire ce roman moi hihi … En tous les cas, tu en parles avec beaucoup d’émotions et un ressenti quasi palpable…

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 6, 2011

      Je te conseille d’éviter de le lire seule dans une maison déserte la nuit !!!

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  4. Il me fait vraiment vraiment envie celui-ci !! Delphine en avait parlé aussi je crois mais tu nous as fait beaucoup plus peur !! 😀 Au début, j’ai cru que c’était toi qui parlais, aha ah ah !! Si tu le fais voyager un jour, je ne dirais pas non (je fais un dégraissage de PAL en ce moment aussi !!) 😉

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 6, 2011

      J’ai retrouvé beaucoup de mes angoisses dans ce texte ! je compte effectivement le faire voyager cet été, si l’envie te dit ! désolée de t’avoir fait dresser les cheveux sur la tête 😉

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  5. Delphinesbooks

     /  juin 6, 2011

    J’avais mal au ventre à la lecture tant il m’a « parlé », mais il est vrai que je n’au pas trop insisté sur ce fait sur mon billet (javais peur de faire peur aux gens !!!). En tout cas, j’ai beaucoup aimé ce texte !

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 7, 2011

      Moi aussi j’ai beaucoup aimé même si cette lecture m’a fait revivre de vraies terreurs nocturnes !

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  6. un livre à lire chez moi, en campagne, sur ma montagnette !!!
    (je ne crains rien : j’ai deux chiens monstreux !)
    je note ce livre (quand pourrai-le le trouver et surtout le lire ?)

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 7, 2011

      Effectivement deux molosses devraient faire l’affaire 😉
      Il est déjà sorti dans toutes les bonnes librairies 🙂

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  7. J’aime ce genre de livre et avec notre imagination fertile, ce ne peut être que fantastique. Je le note. Beau billet.

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  8. keisha

     /  juin 9, 2011

    Un auteur dont j’ai repéré le nom et j’en lirais bien un titre, peu importe lequel, d’ailleurs. Tu conseilles?

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 9, 2011

      Le plus connu sans doute « La littérature sans estomac », un essai sur la littérature contemporaine ! tu peux aussi consulter son blog qui est d’une intelligence rare ! voilà madame 🙂

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  9. keisha

     /  juin 10, 2011

    He bien je l’ai lu, La littérature sans estomac (ça va avec Gracq, non??? ^_^), OK, voir son site (et la bibli…)

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  juin 10, 2011

      Oui oui c’est en rapport avec l’essai de Gracq ! Jourde en a sorti un nouveau ce mois-ci je crois, ou le mois dernier, une sorte d’actualisation ! pour ce qui est de ces romans, je les connais très mal !

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à vous....