Ces auteurs qui me hérissent le poil…

Je le sais d’avance, cet billet va augmenter le nombre de mes ennemis, mais tant pis j’assume ! Ce matin une personne sur le page FB de mon blog s’est retirée de mes « amis » suite à une remarque (que je jugeais anodine) sur les romans de Marc Lévy. Cette attitude pour le moins (peu) surprenante (oui je ne m’étonne plus de grand chose ces derniers temps!), a suscité en moi une envie de mettre les choses au point concernant ces auteurs que j’avoue ne pas supporter, et cela pour différentes raison, qu’elles soient objectives ou (pire) totalement subjectives. Autant vous prévenir tout de suite ce billet sera d’une excessive mauvaise foi.

Voici mon palmarès (profitez-en c’est sans doute l’une des rares fois où vous verrez leur tête sur mon blog!)

Voyez la belle brochette. Dans l’ordre d’entrée en scène pour ceux qui vivraient dans la forêt amazonienne sans télé et sans presse : Marc Lévy, Guillaume Musso, Amélie Nothomb, Jean Teulé et (cerise sur le gâteau!) Eliette Abécassis.

Quel problème puis-je bien avoir avec ces auteurs ??? ils sont beaux, ils sont beaucoup beaucoup lus (parfois même dans le monde entier), ils sont célèbres, ils sont médiatiques, photogéniques etc etc. Bref ils ont tout pour plaire. Ces auteurs font la joie des éditeurs et des libraires, ce sont des auteurs qui, comme disent les libraires « se vendent tout seul », inutile de préparer un argumentaire sur leurs romans, on les empile en tête de gondole et les lecteurs n’ont plus qu’à se servir et à passer à la caisse… une vraie manne ! Il faut dire que les médias traditionnels ont fait tout le boulot : émissions télé de tout genre (littéraire, de divertissement…), presse (interview, articles, pub insérées…), radio, mais aussi affiches diverses et variées vous annoncent la parution de leur nouvel opus ! Impossible de l’ignorer même quand vous vivez à l’étranger ! On pourrait se dire que c’est merveilleux, que le livre se porte encore bien, qu’il est encore générateur de ventes, que la culture française se porte décidément très bien !!! certes… mais en fait, non !

Marc Lévy et Guillaume Musso sont venus à l’écriture sur le tard : Lévy en 2000, Musso en 2001. Avant d’épouser la carrière d’auteur, le premier a fait des études de gestion et d’informatique, le second des études d’économie. Leur carrière dite littéraire débute par un roman qui remporte un grand succès. jusque là pas grand chose à dire (quoique…). J’avoue n’avoir pas lu en entier un roman de Lévy ou de Musso, mais j’ai pu entendre la lecture d’un roman du premier, et parcourir quelques pages d’un du second. Bien sûr ce n’est pas la même chose que de lire un livre en entier, mais quand je lis une page prise au hasard d’un Balzac ou d’une Oates, il se trouve que je parviens à apprécier le style, donc cela doit pouvoir être le cas pour ces messieurs. Le problème que j’ai avec Lévy et Musso relève précisément de ce manque de style que leur écriture révèle. Prenons l’exemple de l’incipit de ce roman de Lévy, Vous revoir et appliquons-nous à une lecture (à peu près) stylistique :

« Arthur régla sa note au comptoir de l’hôtel. Il avait encore le temps de faire quelques pas dans le quartier. Le bagagiste lui remit un ticket de consigne qu’il enfouit dans la poche de sa veste. Il traversa la cour et remonta la rue des Beaux-Arts. Les pavés lavés à grands jets d’eau séchaient sous les premiers rayons de soleil. Dans la rue Bonaparte, quelques devantures s’animaient déjà. Arthur hésita devant la vitrine d’une pâtisserie et poursuivit son chemin. Un peu plus haut le clocher blanc de l‘église de Saint-Germain-des-Prés se découpait dans les couleurs de cette journée naissante. Il marcha jusqu’à la place de Fürstenberg, encore déserte. Un rideau de fer se levait. Arthur salua la jeune fleuriste vêtue d’une blouse blanche qui lui donnait une ravissante allure de chimiste. Les bouquets anarchiques qu’elle composait souvent avec lui fleurissaient les trois pièces du petit appartement qu’Arthur occupait il y a deux jours encore.« 

Que remarque-t-on ? Comme tout incipit qui se respecte le qui? Quoi? Où? Quand? sont bien respectés, voire même exagérés notamment pour le Où puisque l’accumulation des noms de rue et  de lieu dans quatre phrases successives ressemble bien à une faute de style… donc, vous l’aurez compris, le roman se situe à Paris et dans un quartier très connu et chargé de connotations culturelles : oui la rue Bonaparte, Saint-Germain des Près incarnent le Paris de Sartre et des années 50, derrière la place de Fürstenberg on devienne l’ombre de Delacroix qui y avait sa maison… on sent du lourd culturel ! Mais chez Lévy, il s’agit avant tout d’évoquer (décrire serait impropre) un quartier archi connu car très prisé des touristes, un quartier inscrit dans tous les guides touristiques. Bref un quartier qui ne risque pas de désorienter le lecteur. Si l’on observe les actions effectuées par le personnage, on remarque (en gras dans le texte) une accumulation de verbes d’action, et voilà bien le propre du style de Lévy : le récit des menues actions du personnage, tout est dit dans le détail, mais cela n’apporte rien. Quel est l’intérêt au fait qu’il mette le ticket de consigne dans sa poche ? ;  l’hésitation devant la pâtisserie témoigne, sans nulle doute, d’une certaine gourmandise du personnage… mais bien sûr !!! Enfin la dernière phrase est à elle seule une perle : quelques termes sont très parlants : « chimiste » par exemple, terme suscité par la « blouse blanche » mais pourquoi pas « médecin » ou « infirmière », pourquoi « chimiste » ? quel rapport entre une fleuriste et une chimiste ? on ne sait pas ! on se dit que cette énigme va être éclaircie dans la phrase suivante par une autre métaphore qui filerait la première, mais on tombe alors sur « anarchique » ??? donc cette fleuriste est une chimiste qui fait des bouquets anarchiques??? quel rapport ? Autre étrangeté qui stoppe ma lecture : « Les bouquets anarchiques qu’elle composait souvent avec lui« que vient faire ce « avec lui »??? certes on devine bien le lien entre cette fleuriste chimiste à tendance  anarchiste et le personnage gourmand, mais avouez que la manière d’annoncer ce lien est bien maladroit. C’est ce que l’on appelle un cheveu sur la soupe, d’autant que la phrase ne comporte aucune virgule ce qui lui donne une allure étrange qui gêne la compréhension. N’aurait-il pas fallu écrire : Les bouquets anarchiques, qu’elle composait souvent avec lui, fleurissaient les trois pièces du petit appartement qu’Arthur occupait il y a deux jours encore. La répétition du pronom relatif (qu’elle composait ; qu’Arthur occupait) n’arrange rien !!! Quand je tombe sur ce genre de phrase dès l’incipit, je referme le bouquin ! Relisons plutôt l’incipit de La Curée de Zola (oui je sais tout le monde n’est pas Zola!), voilà bien un écrivain dans le sens plein du terme (et cela même s’il n’aime pas George Sand).

Mais qu’en est-il des autres auteurs cloués à mon pilori ? Nothomb, Teulé et Abécassis appartiennent à une autre catégorie. Ce n’est pas tant leur style qui me gêne, et j’ai tendance à les croire écrivains. Ce qui me dérange c’est l’engouement qui les entoure et qui me semble surtout motivé par une médiatisation à outrance. Amélie Nothomb tout d’abord publie chaque année au mois de septembre son nouveau roman, comme les journaux télévisés traitent sempiternellement fin août du chassé-croisé des vacanciers, en septembre de la rentrée scolaire, en juin du bac et de ses révisions… bref  Nothomb est le marronnier littéraire ! Certes la dame écrit beaucoup et tout le temps, mais je reste dubitative sur une qualité annuelle. Curieuse, j’ai lu L’Hygiène de l’assassin et Les combustibles (je parle donc de ce que je connais!); sans être désagréable ces lectures ne m’ont rien apporté. Dans le premier, il faut attendre la moitié du roman pour s’intéresser à l’histoire, pour le second, si l’idée est intéressante, Nothomb ne l’assume pas ! N’aurait-il pas été plus courageux de prendre des romans et des auteurs existant ou ayant existé, plutôt que d’en créer de toute pièce. L’intérêt du sujet se perd alors. Concernant Teulé, dont j’ai lu Le Montespan et Les lois de la gravité, là encore je trouve sa réputation sur-estimée. Je prendrais pour exemple Le Montespan. Sous couvert de renouveler le genre du roman historique, Teulé se complaît dans une vulgarisation démagogique qui aurait surtout tendance à nuire à son sujet  (lisez par exemple la critique de Marie du dernier de ses romans Charly 9) ! Cette tendance à la vulgarité sous couvert de modernité a le don de m’horripiler dans la mesure où cette vulgarité est totalement gratuite, et ne sert qu’à offusquer la bourgeoise !

Enfin, Eliette Abécassis est un cas à part ! et c’est là que je vais être totalement subjective et d’une grande mauvaise foi ! son image médiatique est pour moi un frein puissant à la lecture de ses romans ! Pour avoir vu et entendu Eliette Abécassis dans diverses émissions de télé, pour avoir lu aussi certains entretiens dans quelques journaux, je suis désolée de vous dire que je trouve cette femme bécassine,  et minaudière… Si Nothomb me semble toujours intéressante dans ces interventions télévisuelles à tel point que je serais presque prête à retenter la lecture d’un de ses romans, Eliette Abécassis, à chacune de ses apparitions, me désole. Et le summum fut atteint cet hiver quand je l’ai vue dans un spot de pub pour la chaîne de vente de fleurs par correspondance très connu. Dans ce spot, en pleine période pré-Saint-Valentin, on la voyait écrire un texto à son « amoureux » dont un mémorable : « ce matin tu es parti en oubliant quelque chose : moi » !! wahou!! ça c’est la preuve d’un écrivain au style dévastateur… bon, oui je sais je suis très méchante…

Je suis certaine que vous ne manquerez pas de défendre avec enthousiasme ces auteurs si cruellement attaqués dans ces quelques lignes ! Pour moi la vraie littérature rime avec rareté, et le nombre de lecteurs n’est pas forcément signe de qualité, je pourrais vous trouver des exemples à la pelle. Je crois aussi que Lire de bons livres vous empêche d’apprécier les mauvais (Le Cercle des épluchures de patates p.80), c’est là mon grand problème, j’ai sans doute lu trop de bons livres …

Au fait, et vous ? quels sont les auteurs qui vous hérissent le poil ???

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306 Commentaires

  1. Je n’ai pas honte de mes bagages… j’ai un master en informatique et même si je n’ai pas fait d’études littéraires, je suis contre le fait d’enfoncer la littérature dite polulaire.

    Ma libraire dit : une personne qui lit Marc Levy cherchera peut-être un jour à découvrir d’autres auteurs . Et ça, c’est merveilleux !

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  Mai 3, 2011

      Quand je parlais de bagages encombrants, je voulais parler des drames que nous avons pu vivre et qui sont toujours lourds à porter. La littérature populaire est, pour moi aussi, essentielle, et certains grands auteurs que l’on dit classiques maintenant (Eugène Sue par exemple) étaient en leur temps des auteurs populaires ! J’espère effectivement que les lecteurs de Marc Lévy seront amener à lire autre chose, et qu’ils découvriront d’autres auteurs qu’ils aimeront.

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  2. Il ne vous reste plus qu’à participer au concours de la lettre à l’écrivain, avec votre verve vous pourriez assez facilement emporter le prix Voltaire de la lettre la plus caustique 🙂

    http://www.babelio.com/avousdelire2.php

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  Mai 3, 2011

      c’est un compliment intéressé 😉 ! je plaisante ! merci beaucoup ! je vais aller voir tout cela de plus près !

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  3. Voici ma contribution à la critique du dernier Teulé dont je n’ai rien lu mais que les extraits publiés ca et là pour sa promo m’ont renseignée :
    http://lesaventuresdeuterpe.blogspot.com/2011/05/barthelemy-le-diabolique-ou-karl-009-le.html
    J’y suggère des titres pour ses prochaines oeuvres ou plutôt pour celles de ses disciples au cas où ils voudraient reprendre le même sujet.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  Mai 6, 2011

      J’ai lu avec attention ton billet, que j’ai beaucoup apprécié, merci pour ce lien !

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  4. Bon, j’arrive après la guerre et je l’avoue, je n’ai pas lu tous les commentaires que ton article a fait naître. Au moins, ton billet a fait réagir !!!

    Bon, je te rassure (ou pas d’ailleurs), je ne vais pas te rayer de ma liste d’amis parce que tu n’aimes pas ces écrivains.
    Je les ai presque tous lu (comprendre lu au moins un livre signé par eux, enfin j’espère…) sauf Abcassis et Musso.
    En général, j’ai aimé, je suis même fan de Nothomb.

    Euh ça va je suis encore dans ta liste d’amis ????????

    Bon tout cela pour dire, on aime ou on aime pas.
    Je suis curieuse de tout et si je ne trouve pas que cela soit de la grande, de la vraie littérature (pas facile à définir car il existe tant de courants, de possibilités…), ça se lit, ça détend, parfois ça vide la tête, bref, on s’en fiche, c’était bien comme si on regardait un programme télé de qualité médiocre (encore que médiocre c’est bien payé pour ce qui est diffusé dans 90% des cas).

    On a le droit de les bouder.
    Ce sont les quelques arbres qui cache la forêt…
    Ils sont vendeurs, mais pour des tirages comme les leurs, combien d’auteurs restent sur le carreau ? Beaucoup, beaucoup trop…
    A nous d’être curieux et de ne pas gober que ce que l’on nous sert tout prêt.
    A nous d’être un peu critique.
    A nous d’être sélectif….

    Bref, c’est nous qui avons le pouvoir donc agissons !

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  Mai 8, 2011

      Oui tu es toujours dans ma liste d’amis, de toute façon même quand on n’est pas d’accord avec moi on reste mon amie ! rassurée ?
      j’aime beaucoup ce que tu as écrit à la fin de ton billet, oui vive la curiosité, elle est essentielle, et il paraît même que c’est elle qui empêche de vieillir !
      et merci pour ton commentaire, 300ème ! ça se fête 🙂

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  5. Après un peu d’exploration mailesque, je retombe la-dessus, et je pense à toi et à ce billet 🙂

    http://lesideesheureuses.over-blog.com/article-35081135-6.html

    J’avais trouvé ça terriblement pertinent.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  Mai 12, 2011

      Merci infiniment pour ce lien ! c’est totalement génial, et il faut le partager ! vraiment merci beaucoup !

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  6. Je n’ai pas vraiment d’auteurs qui me hérissent le poil, mais des lecteurs oui. Parce qu’on a la culture qu’on mérite.

    T’façon les gens sont pas curieux. La curiosité, c’est une qualité rare et en plus ça prend du temps. Même les gens curieux n’ont parfois plus le temps de l’être. Alors à l’ère d’Internet, des nouveaux outils de communication et du 2.0, c’est pas prêt de s’arranger. Parce que faut aller vite, droit à l’essentiel. Condenser l’info, faire passer l’idée. Indépendamment de toute autre considération. J’aime ça, c’est bien. J’aime pas ça, c’est mal. Mais développer un propos, construire un avis et tout ça, faudra repasser à la prochaine révolution.

    D’ailleurs, ton billet est beaucoup trop long et je me demande parmi les centaines de personnes qui l’ont commenté, combien l’ont lu en entier ? Sans déconner. Je me demande qui lit vraiment ce qu’on écrit aujourd’hui ?

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    • Effectivement avec internet il faut aller vite et souvent les billets trop longs découragent ! je vous remercie d’être allé jusqu’au bout de celui-ci et pour votre commentaire qui donne un nouvel éclairage à ce billet !

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  7. jln

     /  mars 13, 2022

    Bonjour.
    Le « Azincourt par temps de pluie » de Teulé vient de me tomber des mains aux deux tiers du livre.
    Si le récit n’est pas inintéressant, la médiocrité et la vulgarité des commentaires qui le jalonnent m’est peu à peu devenue insupportable.
    Je n’aurais pas dû enchaîner cette lecture après celle de « l’homme qui rit ».
    Tant pis pour moi.
    Un ancien ouvrier métallurgiste.

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à vous....