« Les Suppliciées du Rhône » Coline GATEL.

Je suis tombée un peu par hasard sur ce polar ou plutôt sur la seconde enquête qui vient de paraître aux éditions Préludes sous le titre Le Labyrinthe des femmes. Le fait que l’intrigue se déroule à Lyon à la fin du XIXe siècle a attiré mon attention, moi qui aie vécu quelques années à Lyon, ville que j’ai beaucoup aimée et regretté de quitter.

Des jeunes filles sont retrouvées mortes dans différents quartiers de la ville de Lyon. Parallèlement le professeur Lacassagne enseigne les premières méthodes d’autopsie auprès de ses élèves médecins. Il souhaite imposer cet examen nouveau aux enquêtes policières certains qu’il permettrait une meilleure résolution des crimes. Quand la première victime est amenée, il charge son meilleur élève, Félicien Perrier de se mettre à la recherche du criminel afin de prouver l’intérêt des autopsies. Celui-ci s’entoure alors d’un collègue, Bernard et d’une journaliste, Irina, jeune femme libre s’habillant en homme. Très vite, ils découvrent que ces jeunes filles ont toutes subi un avortement, qu’elles ont été abandonnées, se vidant dans leur sang dans des coins sordides. Les trois jeunes gens installent leur bureau dans le bateau-morgue et appliquent les méthodes scientifiques nouvelles, l’autopsie, mais aussi le relevé d’empreintes. Il s’agit de retrouver l’identité de ces jeunes femmes et de comprendre la raison de leur mort.

La promesse de déambulations dans les rues de Lyon a bien été tenue : la place des Terreaux, les traboules, la Croix Rousse, j’ai tout retrouvé. J’ai souvent lu et apprécié des polars historiques se déroulant dans Londres, comme les romans d’Anne Granger par exemple ou d’Anne Perry et je dois dire que Coline Gatel a su mettre Lyon à l’honneur tout comme ses consœurs anglaises l’ont fait de Londres. Il est évidemment qu’on y prend d’autant plus goût quand on connaît les lieux.

L’autre attrait est bien sûr le contexte scientifique et les prémices de la police scientifique à laquelle Lacassagne contribua. On assiste donc aux autopsies des victimes, mais aussi à la fois aux réticences et à la curiosité qu’elle suscitent. De façon très simple mais efficace, l’auteure fait le portrait de Lacassagne, dévoile ses centres d’intérêt comme l’étude des tatouages des criminels ou sa croyance en l’anthropométrie. Je connaissais cet homme de nom mais ce roman m’a permis d’en savoir plus.

On assiste à une intrigue finement construite, où l’on hésite sans cesse sur l’identité du criminel, à tel point que tout le monde paraît suspect. Les trois personnages principaux ont des caractères très différents : Féliciens est sombre, cynique, d’une intelligence de déduction hors pair et porte une part de mystère ; Bernard est pudibond et Irina, mon personnage préféré, incarne la femme moderne de l’époque, refusant le rôle traditionnel féminin du XIXe siècle elle travaille pour le journal Le Progrès et est prête à tout pour découvrir le criminel. Son costume masculin reflète bien ce désir d’indépendance et de liberté.

Il est d’ailleurs fortement question de la condition féminine dans ce polar. Que ce soit avec le personnage d’Irina, mais également avec les différentes victimes, toutes ces jeunes filles subissent une grossesse non désirée dans différents milieux sociaux : bourgeoisie, milieu ouvrier ou prostitution. Elles ont été d’abord les victimes des hommes avant d’être victimes de meurtre. Et puis gravitent également d’autres femmes : des sages-femmes, des avorteuses, des religieuses, des infirmières, tout un monde de femmes qui vient se confronter au monde des hommes et aux scientifiques, considérant les femmes comme des objets en leur possession.

J’ai beaucoup aimé ce roman et ce trio de personnages qui se découvre au cours du roman et je me demande si on le retrouvera dans la deuxième enquête. Un polar donc plein de qualités que je ne peux que vous conseiller.

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