« La Page blanche » de Boulet et Pénélope Bagieu

Le billet de Lili Galipette sur cette BD m’avait beaucoup intriguée, et quand, après avoir hissé Billy jusque dans son appartement, Lili m’a proposé de me la prêter, je n’ai pas hésité une seconde.

J’aime le dessin moderne et fin de Pénélope Bagieu, depuis sa première BD (Ma vie est tout à fait fascinante) que j’avais offerte à ma belle-soeur, et que j’avais pris soin de lire avant de l’emballer dans un beau papier cadeau. Dans cette BD-ci, le dessin semble s’être affirmé, j’ai aimé le détail des décors, les représentations des rues de Paris.

Dans La Page blanche donc, une jeune femme se retrouve assise sur un banc dans Paris, incapable de se souvenir ce qu’elle fait là, et comment elle s’appelle. En fouillant un sac posé à ses côtés, elle trouve une pièce d’identité, un prénom, un nom, une adresse et des clefs, mais tout cela ne lui dit rien, comme si tout cela ne la concernait pas. Ainsi va commencer une quête d’identité, des tentatives pour essayer de comprendre ce qui s’est passé avant… avant de se retrouver assise sur ce banc.

Cette BD est donc avant tout une réflexion sur soi, une tentative de réponse à la question qui parcourt ses vignettes : Je suis qui, moi ? Comment savoir qui l’on est quand tout a été effacé, comme un disque dur qui plante (oui je parle d’expérience). Selon un vieil adage qui doit remonter à Balzac et à la nécessité de décrire le lieu de vie pour mieux en venir au personnage, la jeune fille, prénommée Eloïse, va donc tenter de trouver des réponses dans l’appartement qu’elle est sensée habiter.

La page blanche, au-delà d’un titre, est aussi concrètement représentée dans le livre : plus fréquente dans les premières pages, les pages blanches s’offrent à la fin de chaque nouveau chapitre, métaphore d’une mémoire sur laquelle rien ne s’imprime. Mais, chaque page annonçant un nouveau chapitre, présente souvent un dessin en forme de bulle, ou parfois une page pleine sans blanc, c’est la nouvelle vie d’Eloïse, celle qu’elle se recrée.

Dans l’appartement, Eloïse trouve : un chat, des meubles IKEA, des livres et des DVD que tout le monde a lus ou vus, des goûts culturels uniformisés, sans relief, que l’on peut retrouver dans presque tous les appartements. Eloïse se découvre alors une vie plate, une vie comme tout le monde, sans personnalité. Et en même temps tout cela lui semble étranger, désincarné, le sentiment d’être chez l’autre, et non chez soi.

Eloïse tente de vivre la vie de l’autre, mais cette vie ne correspond plus à ce qu’elle est devenue. L’effacement de la mémoire a entraîné l’effacement de l’autre, celle d’avant, pour finalement donner naissance à une fille bien plus sympathique, plus vivante, plus consciente de son existence, comme un ordinateur que l’on rebooste. Comme un évènement salutaire, cette amnésie va servir de révélateur, va aiguiser son sens critique, va lui permettre de prendre un sacré recul sur la vie qu’elle semblait vivre avant.

Boulet et Bagieu, au-delà de la quête identitaire, offrent un regard critique sur la culture de masse, une culture consommatrice et uniformisante qui aplanit, lisse les angles de la personnalité, et fait que tout le monde, finalement, se ressemble et finit par se noyer dans la masse. Ils nous poussent, à nous asseoir sur un banc et à réfléchir à notre propre vie, à nos propres aspirations, à reconsidérer nos amitiés, nos choix, nos lectures, et à nous poser à notre tour la fameuse question : Je suis qui, moi ?

BD lue dans le cadre du Challenge Petit Bac 2012, catégorie Couleur.

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46 Commentaires

  1. fred thoos

     /  février 29, 2012

    Maintenant, dans les librairies, on entend surtout « vous avez le dernier Bagieu? » ou « vous avez le dernier Boulet? ». Ils sont en plein dans le système qu’ils critiquent. Comme quoi…

    Réponse
  1. La Page Blanche by Pénélope Bagieu and Boulet « The Sleepless Reader

à vous....