Myriam et son mari, parents de deux jeunes enfants, Milla et Adam, couple parisien, installé. Des enfants encore petits, et sa vie de femme au foyer qui finit par peser à Myriam. Une rencontre inopinée, lui remet le pied à l’étrier : et si elle reprenait son métier d’avocate ? Après plusieurs castings infructueux, le couple tombe sur la perle : Louise. Elle répond à tous les critères du couple et plus encore. Petit à petit Louise s’immisce dans leur vie, devient indispensable.
Le roman est déjà tout entier dans son titre : Chanson douce, chanson de l’enfance qui permet de s’endormir avec ce sentiment de sécurité, mais chanson qui endort la réflexion, qui trompe. Louise diffuse tout au long du roman cette chanson douce, que le couple souhaite entendre, oubliant les signes étranges, ne voulant pas voir les comportements inquiétants. A travers ce titre, c’est le personnage de Louise qui est définie. Une femme serviable, attentive aux enfants, mais tendant ses fils comme une araignée qui tend son piège. Le couple pour autant n’est pas innocent, même si l’auteur demeure dans une neutralité qui empêche toute accusation, tout parti pris. Le couple s’endort au son de la berceuse de Louise, abandonne ses valeurs, est pris dans son nouveau confort que leur offre Louise, et est dépassé par ce rôle étrange de patron au cœur de son appartement. Il ne parvient plus à fixer les limites, se laisse vampirisé jusqu’à ne plus être capable de réagir réellement.
L’originalité du roman de Leïla Slimani est de commencer par la fin : la mort des enfants. L’incipit est violent, choquant, les premiers mots vous sautent à la gorge : « Le bébé est mort. » L’auteur rembobine le film, revient au début, à l’origine et déroule les évènements de façon implacable avec un regard fin, presque sociologique : d’un côté un couple aimant, heureux, vivant dans le quartier bobo du Xe arrondissement, de l’autre, une femme seule, qui survit plus que modestement. Par touche successive, Leïla Slimani lève le voile sur Louise, montre les failles du couple. Il y a quelque chose de Joyce Carol Oates dans ce roman, par ce regard distancié et par la mise en place d’une intrigue dérangeante.
Le monstre surgit dans un confort familier et nous renvoie à nos plus terribles craintes, à nos culpabilités. La nounou, être normalement doux, attentif, maternel, se révèle monstrueuse.
Chanson douce, basé sur un fait réel, est à la fois un roman dérangeant et magistral qui saisit notre société moderne, à la fois policée et fragile. Il dénonce les écarts de classe sociale et les préjugés bourgeois parfois bien pensants. Un roman qui mérite son prix Goncourt.
Ce roman fait également partie de la sélection Cultura, « Les talents à découvrir » dont je vous avais déjà parlé dans un précédent article.
Lu dans le cadre du challenge 1% Rentrée Littéraire et du Challenge Femmes de Lettres.
Corentine
/ novembre 6, 2016J’ai aussi beaucoup aimé ce roman 🙂 Je n’en entends et n’en lis que du bien d’ailleurs, c’est assez rare…
les Livres de George
/ novembre 6, 2016Oui c’est rare un roman qui fasse ainsi l’unanimité et que ce soit mérité 😉 !
topobiblioteca
/ novembre 6, 2016Je ne savais pas qu’il était basé sur des faits réels, je l’ai adoré !
les Livres de George
/ novembre 6, 2016Eh oui, ça rajoute encore plus de tragique à l’histoire.
Madame
/ novembre 6, 2016Pas encore lu, je vais me le procurer en même temps que Sauveur et fils tome 2 ☺☺
les Livres de George
/ novembre 6, 2016C’est ton libraire qui doit être content quand il te voit arriver. 😍
Bianca
/ novembre 6, 2016Il mérite son prix Goncourt, je suis bien d’accord !
les Livres de George
/ novembre 6, 2016Je viens de lire ton avis. Comme toi j’ai aimé cette analyse sociologique, ce regard sur les femmes aussi.
zazy
/ novembre 6, 2016Sur ma liste d’attente. J’avais beaucoup aimé son précédent et premier livre
les Livres de George
/ novembre 6, 2016Du coup j’ai envie aussi de lire son premier roman.
Camille
/ novembre 6, 2016Me voilà conquise ! Je le lirai dès que possible, je suis très intriguée et séduite par la présentation qui en est faite dans cet article.
Merci 🙂
kathel2
/ novembre 6, 2016En citant J.C. Oates, tu es la première à me tenter un tant soit peu… mais rien ne presse.
noukette
/ novembre 6, 2016Un roman difficile à reposer quand on l’a commencé ! J’en parle bientôt 😉
eimelle
/ novembre 7, 2016j’ai beaucoup aimé aussi!
bibliblogueuse
/ novembre 7, 2016J’ai beaucoup aimé ce roman aussi pour les mêmes raisons que toi, même s’il y en a d’autres que j’ai préférés dans cette rentrée littéraire.
estellecalim
/ novembre 8, 2016pas envie de le lire 😉
Tiphanie
/ novembre 9, 2016Je ne savais pas qu’il était basé sur des faits réels!!! Je le commence bientôt.
urgonthe
/ décembre 9, 2016Pas convaincue par ce prix, je ne le lirai pas !