Bérénice est sans doute ma tragédie préférée de Jean Racine. Et Dieu sait comme j’aime la langue de Racine, sans doute parce que j’ai appris à l’aimer, à la comprendre durant mes études. C’est en Première, avec Mithridate, que tout a commencé. En fac, Racine est revenu souvent, et à chaque fois je ressentais des frissons en lisant ses alexandrins, si bien que j’ai voulu en lire davantage par moi-même. Mais Bérénice fut un choc émotionnel comme seul la littérature peut en provoquer. Aussi, il m’était impossible de passer à côté de ce roman.
Partant d’une séparation amoureuse entre une Bérénice et un Titus modernes, lequel préférant demeurer auprès de sa femme légitime, Roma, Nathalie Azoulay en vient à raconter la vie de Jean Racine. Pour l’avoir étudiée et enseignée, cette vie, faite à la fois de rigueur et de plaisirs, m’était connue, mais l’auteure me l’a fait redécouvrir grâce à un style pur, vivant. Le récit au présent devient moderne à son tour et dessine un Racine intime, fait de contradictions.
Vie cyclique, qui commence et finit à Port-Royal, berceau du Jansénisme, doctrine religieuse rigoriste et combattue par les jésuites et Louis XIV lui-même. Racine, sans cesse tiraillé entre son éducation janséniste et son amour des mots, des auteurs antiques, du théâtre, devra renier ses éducateurs mais sera toujours ramené à Port-Royal, comme on revient aux sources.
Nathalie Azoulay, non seulement dresse le portrait de Racine, mais rend compte de cette vie de cour à Versailles, où les auteurs doivent plaire au roi pour exister et être reconnu. Louis XIV, premier mécène de France, choisit ses auteurs, donne des pensions si on a su lui plaire. Sur la route de Racine, nous croisons Nicolas Boileau, ami fidèle, Molière et bien sûr Corneille, à la fois haï et admiré. On pénètre dans le laboratoire d’écriture de Racine, on suit l’élaboration de ses pièces : choisir le mot parfait, la tournure parfaite, travail minutieux résultats de plusieurs années de versions latines à Port-Royal et notamment de la traduction du chant IV de L’Enéide de Virgile, la plainte et la mort de Didon que Nathalie Azoulay situe au centre de l’inspiration racinienne. Mais on découvre aussi les répétitions avec ses actrices : Mlle Du Parc puis Mlle de Champmeslé et leurs amours.
Cette vie de Racine, mise en abyme du récit des personnages modernes, prend toute sa dimension. Nathalie Azoulai souligne à quel point les tragédies raciniennes sont éternelles, à quel point la douleur amoureuse traverse les siècles et à quel point la séparation demeure une énigme perpétuelle.
Un beau et grand roman, exigeant aussi mais si beau.
Lu dans le cadre du Plan Orsec 2016.
horizondesmots
/ mars 13, 2016J’ai également beaucoup aimé, bien que l’histoire entre un Titus et une Bérénice modernes se soit, à mes yeux, pas indispensable (ou peut-être mal exploitée).
Bianca
/ mars 13, 2016C’est un titre plébiscité, il finira par arriver à la mediatheque ! Je ne connais rien à la vie de Racine et il fait partie des auteurs classiques que je n’ai jamais lu…
MyoPaname
/ mars 13, 2016Aux premières pages j’étais perdue… et puis les mots ont fait leur oeuvre… 😉
Aemilia
/ mars 13, 2016Je suis justement en train de le lire. 🙂
J’aime beaucoup toute la réflexion sur la recherche du mot juste et de l’efficacité du langage (par contre, même si j’apprécie la lecture, j’ai été un peu trompée par publicités qui m’ont fait acheter le bouquin, et qui ne le vendaient pas vraiment comme une biographie de Racine).
Delphine-Olympe
/ mars 13, 2016Très beau ! J’ai adoré !
Lili
/ mars 13, 2016Ta lecture de ce roman me donne sacrément envie (même si, pour ma part, ma père préférée de Racine est « Phèdre » ^^)
jostein59
/ mars 14, 2016N’étant pas une spécialiste de Racine, je crains de me perdre.
topobiblioteca
/ mars 14, 2016Il me tente énormément !
anaverbaniablog
/ mars 14, 2016J’ai de grosses lacunes en classiques et… je ne connais Racine que de nom. Je sais c’est un peu la honte… 🙂
dominiqueivredelivres
/ mars 14, 2016j’ai énormément aimé ce roman, exigeant comme tu le dis mais on a une belle récompense
noukette
/ mars 14, 2016J’ai peur, à tort sûrement, qu’il soit justement trop exigeant…
Céline
/ mars 14, 2016J’ai lu ce livre et je suis d’accord avec toi qu’il est passionnant pour tout ce qui concerne la vie de Racine (sur qui je ne connaissais rien de rien). Par contre, j’ai été très très déçue pour ce qui est du traitement de l’histoire de la Bérénice contemporaine, quasi inexistante.
Qu’on me dise que c’était juste un prétexte pour rédiger une biographie romancée de Racine, là, je serai d’accord.
Violette
/ mars 15, 2016je ne connaissais pas ce titre (que j’adore) et me voilà bien bien tentée!
alexmotamots
/ mars 17, 2016De cette lecture, j’avais préféré les chapitres sur Racine.
Même les sorcières lisent
/ mars 21, 2016J’aime Racine ( reste de mes études aussi) et tu me donnes envie de découvrir ce livre. *Marie*
AMBROISIE
/ février 9, 2017J’ai vu sa sortie en poche avec une magnifique couverture sans jamais l’acheter, pourtant je suis vraiment curieuse de ce livre, c’est comme s’il m’appelait alors la prochaine fois que je le vois je n’hésite pas pour le prendre !