« Prof jusqu’au bout des ongles » Julie VAN RECHEM – Document – Rentrée Littéraire 2015 #6

Rechem ProfJulie Van Rechem, je la connais sous le pseudo de Chouyo depuis la création de mon tout premier blog, il y a 9 ans. Nous nous étions un peu perdues de vue, mais j’avais suivi son installation en Inde, je savais qu’elle était prof et qu’elle avait fini par rentrer en France. Et puis, on me propose de lire son livre : Prof jusqu’au bout des ongles et comme j’aime bien lire ce qu’écrivent les copines et comme le sujet me touche de près, j’ai dit OK avec plaisir.

Chouyo, enfin Julie Van Rechem, est professeur d’histoire-géographie-éducation civique dans deux collèges classés REP (Réseau d’Education Prioritaire) de la banlieue nord de Paris. Après une première année, post CAPES, qui lui a enlevé une bonne partie de ces espérances, elle est partie voir ailleurs, en Inde, notamment. Là, elle y a enseigné, s’est ressourcée, puis est revenue et s’est vu attribuer un poste sur deux établissements.

Cette période transitoire en Inde fut un temps précieux pour réfléchir, pour prendre suffisamment de recul et revenir plus sûre d’elle dans son métier. Comme elle l’écrit à la fin de son livre : Ce livre est celui que j’aurais aimé lire avant ma première rentrée des classes en tant qu’enseignante.

Prof jusqu’au bout des ongles est à la fois le récit de son expérience de prof, mais aussi des réflexions multiples sur le métier de prof, sur l’éducation nationale (et ses incohérences), sur les collègues, sur les adolescents, sur la transmission du savoir, sur la façon de transmettre et de faire grandir les élèves en leur apprenant à réfléchir par eux-mêmes avec les bonnes armes. Tout en racontant son quotidien épuisant (des centaines d’heures passées dans les transports en commun, les paquets de copies, les soucis de discipline, la préparation des cours, etc.), elle écrit là, me semble-t-il, une illustration et défense du métier de prof.

Julie Van Rechem est une prof enthousiaste qui ne se voile pas la face. Qui a réfléchi sur son métier, qui s’est demandé ce que signifie « être prof » et surtout qui ne juge pas ses élèves. Une prof qui y croit quitte à avancer seule.

Tout prof se reconnaîtra forcément dans ce quotidien : les cafés chauds ; la photocopieuse en panne ; les copies qui semblent s’auto-régénérer dans le casier ; la planification de tous les cours sur l’année à faire pour le mois de septembre pour chaque classe, la construction des cours, et j’en passe. Elle saisit ce que les profs, en dehors de leur face à face avec les élèves, vivent. Car tout cela n’est finalement que la part sombre et souvent méconnue du métier de prof. On ne connait de ce métier que les 18h de cours et les vacances de deux mois l’été, mais on ignore bien souvent tout le reste qui représente pourtant la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire les 90% de l’iceberg.

Mais Julie Van Rechem ne donne pas ici qu’un simple témoignage. Elle montre à quel point être prof c’est aussi comprendre qui on a en face de nous, qui sont ces adolescents, des êtres à part en entière et non une masse informe, comprendre leurs réactions parfois provocantes et comment les amener petit à petit, non pas à penser comme nous, mais indépendamment, et à prendre leur place dans la société.

Elle dit aussi la solitude du néo-prof, la difficulté à mettre en place des projets, l’anonymat parfois et surtout quand, comme elle, on court tout le temps entre deux établissements dans lesquels on est sans y être.

Je me suis beaucoup retrouvée dans ce livre. Comme Julie, j’ai l’enthousiasme et le bonheur d’enseigner, j’aime me retrouver dans une salle de classe, j’apprécie ces moments un peu magiques où les élèves se révèlent, ont le déclic. Lors de cette rentrée, au premier cours de septembre, j’ai éprouvé cette sensation fascinante de me sentir à ma place. J’ai la chance d’être dans un seul établissement à 20 min de chez moi, d’avoir des collègues jeunes (plus jeunes que moi pour la plupart), et de bien m’entendre avec eux, et je sais que je suis une prof privilégiée surtout en région parisienne, j’ai une directrice, une CPE, au collège, un responsable pédagogique, au lycée, qui défendent leurs profs, j’enseigne dans un établissement privé catholique qui se donne les moyens d’encadrer ses élèves. J’enseigne dans de très bonnes conditions, même si la photocopieuse de la salle des profs est en panne depuis la rentrée, mais où la machine à café, Dieu merci, est toujours prête à distribuer son liquide fumant et réconfortant. Je n’ai donc pas la même expérience que Julie, mais ce qu’elle dit du métier m’a permis de réfléchir, de m’interroger sur ma façon d’enseigner.

Cette lecture a le vrai mérite de nous interroger sur notre métier, quand nous sommes nous-mêmes profs, de faire découvrir aux parents la face cachée des profs de leurs enfants, de montrer la réalité du métier pour les futurs profs. Une lecture pétillante, intelligente et pleine d’enseignements.

Merci à Julie et aux éditions Stock.

Livre lu dans le cadre du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015. (6/6)

challenge 1% 2015

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21 Commentaires

  1. Je ne doute pas que ce livre ne soit très intéressant. Mais je n’ai pas envie de me replonger dans mon quotidien quand je rentre chez moi.

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  2. Intéressant. Je me verrais bien l’offrir à ma maman qui est prof…

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  3. J’ai l’impression que c’est vraiment un livre très humain =)

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  4. J’aime beaucoup ce que tu dis de ce livre (et comme toi, j’ai la chance d’enseigner dans de bonnes conditions). Par contre, je ne sais pas si je le lirai … en tout cas, pas tout de suite, car comme Sharon et Nunzi, je n’ai pas envie de me plonger dans mon quotidien sur mon temps de loisir 😉

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    • Je peux comprendre mais je suis sans doute dans une interrogation sur mon métier et sur ma façon d’enseigner et je cherche des réponses, Julie m’en a donné quelques unes !

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  5. Valentine Pumpkins

     /  septembre 19, 2015

    Ce livre semble être intéressant (je viens de m’inscrire pour le concours de cette année) mais j’ai peur qu’il m’effraie ! 😉

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  6. Très envie de le lire! C’est général les pannes de photocopieuse en début d’année? Je me retrouve dans ta présentation, 10 ans d’enseignement, j’aime toujours autant mon métier, même « mieux » sans les grandes illusions du début, avec une vraie connaissance du terrain. Merci pour cette découverte.

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  7. Je ne sais pas si je le lirai, trop peur de retrouver un peu trop mon quotidien, mais je pense que ça peut être intéressant, à mettre entre les mains de ceux qui décrient un peu la profession…
    Je me permets juste (j’espère que tu ne le prendras pas mal), tu as écrit Julien à deux reprises en nommant l’auteur 😉

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    • Le ton est souvent léger quand elle raconte son quotidien donc on a tendance à sourire. Ses réflexions sont très intéressantes, c’est une vision qui fait avancer.
      Ben d’où il sort ce Julien ??? merci, je vais corriger 😀 !

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  8. Chroniqueuse

     /  septembre 20, 2015

    Lu et également critiqué mais en tant que parent qui a surtout toujours respecté les profs de sa fille.

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  9. Faisant moi même partie de cette grande famille qu’est l’éducation nationale, j’ai bien envie de le lire. Je suis Documentaliste donc c’est un peu différent je trouve même si on a le statut de prof.
    Merci pour ce billet et cette découverte.

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  10. estellecalim

     /  septembre 20, 2015

    Tu lis plein de livres de blogueuses en ce moment 😉 Je comprends que ça te touche de près et j’aime aussi ce petit moment où la lumière se fait dans l’oeil de mes étudiants et où j’ai l’impression d’avoir gagné ma journée.
    J’ai une petite question sur le livre. Est-ce qu’elle parle de son expérience en Inde ?

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    • Le blog semble mener à l’écriture on dirait que c’est la mode 😉 pas ma faute !
      Non, elle ne parle pas de son expérience en Inde, il faudra que tu fouilles dans son blog.

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  11. sous les galets

     /  septembre 28, 2015

    Je dois dire que c’est le genre de livres qui changent de la morosité actuelle des enseignants. Autour de moi IRL, j’ai plus de profs qui espèrent faire autre chose et pour qui c’est une gageure comme métier, que de gens comme toi qui se sentent à leur place dans leur classe (ils sont tous dans des collèges publics un peu « difficiles » dirons nous, ceci expliquant cela). C’est chouette de se dire qu’on fait le métier qui nous convient 😉 Elle exerce dans un établissement toujours la romancière-blogueuse?

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