« Anne F. » Hafid AGGOUNE – Rentrée Littéraire 2015 #1

Aggoune Anne FIl m’était impossible de passer à côté d’un roman parlant d’Anne Frank. J’ai trois icônes féminines dans mon musée personnel : George Sand, Marilyn Monroe et Anne Frank. Ce sont trois femmes très différentes mais qui m’ont construite, qui se sont présentées à un moment de ma vie et qui lui ont fait prendre un virage. Anne Frank fut la première. Je l’ai bien évidemment découverte par son journal. Un livre, qui avait appartenu à ma mère, un peu jauni par le temps, qui sentait le papier et dont la couverture était un peu déchirée. Ce fut tout d’abord une rencontre avec une jeune fille qui me ressemblait un peu, puis une prise de conscience du destin des juifs pendant la guerre, mais ce fut aussi une révélation littéraire, sans aucun doute l’un des livres qui ont fait la lectrice que je suis. Et outre cette révélation littéraire, ce fut un livre qui m’amena à l’écriture. Après la lecture du journal d’Anne Frank, j’ai commencé un journal que j’ai tenu jusqu’à mes années fac. Anne Frank, dont je partage le prénom, c’est tout ça à la fois pour moi.

Mais quand on s’apprête à lire un roman qui traite d’une de nos icônes, on est toujours un peu fébrile, un peu inquiet. La vision de l’auteur va-t-elle correspondre à la mienne ? Hafid Aggoune y parvient parfaitement.

Le narrateur écrit, durant toute une nuit décisive, une lettre à Anne Frank dont il vient de relire le journal. Ses convictions de professeur de Français viennent d’être profondément bouleversées par l’attentat commis lors du marathon de Paris par un de ses élèves dans lequel il avait mis toutes ses espérances. C’est une lettre d’adieu.

Tout en reparcourant sa vie, ses idéaux, ses désillusions, le narrateur va sans cesse placer Anne Frank au centre et établir des parallèles entre lui et elle. En arrière plan, l’attentat est le prétexte permettant d’évoquer la violence de notre époque.

Je n’ai pas été très convaincue par ce prétexte, qui, me semble-t-il n’est guère utile. Le roman, m’a précisé l’auteur, a été achevé avant les attentats de janvier dernier, mais renvoie sans doute à celui qui avait eu lieu lors de marathon de New-York en 2013. Prétexte dont je ne parviens pas, outre cette référence à la violence moderne, à faire le lien avec Anne Frank, si ce n’est que les deux jeunes gens ont quinze ans.

AnneFrankJ’ai voulu commencer ce billet par mes petites réserves pour mieux en venir aux nombreuses qualités de ce roman. La première, l’essentielle, est bien sûr cette façon de faire revivre Anne, de citer son journal, d’essayer de la comprendre, d’en montrer sa force, son intelligence, toutes les promesses d’avenir qu’elle avait en elle. Je l’ai reconnue. J’ai revu les photos d’elle qu’il décrit et cette courte vidéo où on l’aperçoit brièvement. Des pans entiers du journal me sont revenus en mémoire.

J’ai aimé aussi l’évocation d’Otto Frank ou plutôt l’hommage rendu à cet homme exceptionnel, sa douleur, et cette façon de survivre en redonnant vie à Anne à travers la publication de son journal.

Ainsi, quand Hafid Aggoune en vient alors à établir des parallèles entre la vie, l’enfance, l’adolescence de son narrateur et Anne Frank, je le trouve plus convaincant, plus sensible, plus juste dans son propos, plus émouvant, plus intéressant que quand il parle du jeune terroriste. J’ai aimé ces ressemblances, mais aussi ces différences, ce même amour de l’écriture et de la lecture, ces mêmes aspirations d’adolescent, les parallèles entre son père et Otto Frank. Tout devient alors pertinent. Cette rencontre entre soi et l’autre que l’on lit et qui nous éclaire sur ce que l’on est.

Car ce livre est aussi un hymne à la lecture. La lecture comme élément fondateur de l’être et comme substitut au père. J’ai aimé, pour des raisons personnelles qui sont différentes de celles de l’auteur, ce rapport établi entre la lecture et le père.

On le sait très tôt, quand on est seul à l’intérieur, c’est-à-dire seul tout le temps, partout et avec presque tout le monde. (p.96)

L’expérience de la lecture comme de l’écriture est une expérience de la solitude. Une conscience renfermée sur soi sans être hermétique au monde. Hafid Aggoune le montre parfaitement à travers Anne.

Enfin, même si parfois il pèche par excès, l’évocation du métier de professeur de Français m’a, bien évidemment touchée et motivée à quelques jours de la rentrée.

C’est un beau roman, nécessaire, surtout de nos jours, pour se rappeler mais aussi pour puiser l’énergie d’Anne Frank qu’Hafid Aggoune a su si bien rendre.

Roman lu en commun avec Leiloona, L’Irrégulière et Séverine.

Roman lu dans le cadre du Challenge 1% de la Rentrée Littéraire 2015.

challenge 1% 2015

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