« Le Manoir de Tyneford » Natasha SOLOMONS – A Year in England #1

Solomons TynefordElise Landau vit à Vienne. Fille d’une cantatrice belle et talentueuse et d’un père écrivain reconnu, elle est issue d’une famille bourgeoise, de religion juive. En 1938, quand débute le roman, la vie à Vienne devient de plus en plus difficile pour la communauté juive et Elise est contrainte de s’exiler en Angleterre, et tandis que ses parents attendent leur visa pour les Etats-Unis, sa soeur et son mari préparent déjà leur départ.

Pour être mise à l’abris, Elise est employée comme domestique à Tyneford, somptueuse demeure de Mr Rivers dans le Dorset. Elle ne connaît pas l’Angleterre et très mal la langue qu’elle va apprendre notamment en lisant des romans.

La première partie du roman fait immanquablement penser à la série Downton Abbey : même division entre le monde des domestiques et celui des maîtres, même ambiance (la fin d’une époque, même si la série se situe avant et après la Première Mondiale), voire des personnages très proches du feuilleton : Mrs Ellsworth par rapport à Elsie Hughes, et Mr Wrexam par rapport à Charles Carson. S’en est même assez troublant. Dans cette première partie du roman, Elise prend ses marques, découvre la mer et les paysages verts de l’Angleterre. Elle ne fait plus partie de la bourgeoisie, mais ne fait pas pour autant partie des domestiques. Sa position la met dans une sorte d’entre deux, elle n’appartient à aucun de ces deux mondes une fois en Angleterre. Domestique assez pitoyable, elle obtient cependant la clémence de Mr Rivers et surtout l’attention amusée de son fils, Kit.

Ce récit rétrospectif, que l’on suit à travers les mots d’Elise, raconte l’arrivée de la guerre en Europe, les souvenirs de sa vie à Vienne et son angoisse vis-à-vis de ses parents dont elle n’a guère de nouvelles, mais aussi son amour grandissant pour l’Angleterre. Elise vit sans cesse avec la nostalgie de sa vie à Vienne. La figure maternelle trône au centre de ses souvenirs et ce personnage m’a souvent fait penser à certaines héroïnes d’Irène Némirvsky, la méchanceté en moins et l’instinct maternel en plus. Mais la place qu’elle prend dans la vie de sa fille, les complexes qu’elle lui donne la rend proche d’une Jézabel et ne me l’a pas rendue particulièrement sympathique.

Le roman est divisé en deux parties, séparation marquée par un événement dramatique que je ne vous dévoilerai pas. Si j’ai beaucoup aimé la première partie, sans doute pour ses rapports avec la série anglaise et aussi parce que la jeune Elise, rebelle, partagée entre les principes éducatifs reçus dans sa jeunesse et la liberté dont elle bénéficie depuis son exil, est un personnage bien campé,  la deuxième partie m’a un peu moins emballée, sans pourtant m’ennuyait, mais mon intérêt a été quelque peu relâché. Plusieurs scènes m’ont semblé longuettes, certaines descriptions inutiles ou mal exploitées. Enfin, si on considère que l’intrigue principale du roman se situe entre 1938 et 1941/42, soit 3 ou 4 ans, certaines références temporelles m’ont semblé étranges. L’auteur laisse souvent penser que ces 3 ou 4 années sont multipliées par 2 ou 3 tant Mr Rivers vieillit. En lisant, alors que Mr Rivers a une petite quarantaine d’années en 1938, en 1941/42 on a tout à coup l’impression qu’il en a plus de 50 ! C’est un détail, me direz-vous, mais un détail qui m’a troublée parce que j’avais du mal à me situer dans le temps. Cette deuxième partie s’enlise quelque peu et on a presque l’impression de lire un autre roman. J’ai regretté que l’ambiance du début, celle de la demeure, des domestiques, soient délaissées finalement si rapidement.

L’intérêt de ce roman est cependant aussi historique. On découvre en effet un fait peu connu de l’Histoire : l’exil des bourgeois ou nobles juifs d’Autriche s’exilant en Angleterre pour endosser un rôle de domestique. Il semble, d’après l’auteur, que plusieurs femmes aint ainsi fui l’Autriche, se soient déclassées, pour se cacher des nazis. Mais on apprend également que les Anglais, dans les années 40, arrêtaient les Autrichiens réfugiés, devenus suspects.

Le destin d’Elise, de sa soeur et de ses parents est sans doute assez emblématique de celui de nombreux autrichiens juifs pendant la Seconde Guerre Mondial. Des vies totalement bouleversées par la montée du Nazisme et l’arrivée de la guerre, des vies meurtries qu’il a fallu vivre malgré tout.

Un roman à lire, sans aucun doute, quelque peu romanesque par moments (un peu trop à mon goût – le coup du doigt sur la bouche pour faire taire l’amoureux me semble toujours un peu cul-cul), mais qui présente bien d’autres qualités qui rendent la lecture agréable. Ce ne fut pas le coup de cœur attendu, mais ce roman renferme beaucoup de qualités toutefois.

Lu dans le cadre de l’Année Anglaise 2015/2016 et du Plan Orsec 2015.

AnnéeAnglaiselogoplan orsec 2015

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29 Commentaires

  1. Je ne suis pas très emballée par ce que tu en dis. Trop de livres m’attendent dans ma PAL.

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  2. Malgré tes bémols, ce livre m’intrigue. Je l’intègre à ma liste d’envies … et reviendrai si je le lis 😉

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  3. Je ne l’ai pas encore lu et ton avis ne m’incite pas à me précipiter à la médiathèque pour l’emprunter !

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  4. Une lecture très agréable et parfaite pour un été.

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  5. Ce roman a effectivement des défauts, que tu soulignes très bien. J’ai apprécié l’évocation historique des bourgeois s’exilant, phénomène que je ne connaissais pas. J’ai moins été sensible au côté « Dowton Abbey » qu’à celui de Manderley car je trouvais à Tyneford une puissance un peu fantomatique.

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    • Tu as raison il y a quelque chose de « Rebecca », mais c’est aussi ce qui me dérange un peu dans ce roman, on a l’impression d’y voir trop d’influences !

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  6. je n’avais pas rédigé de billet mais mon avis rejoint le tien.

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  7. J’aime bien Downton Abbey, et malgré les défauts que tu soulèves, ça pourrait être une lecture intéressante!

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  8. estellecalim

     /  juillet 16, 2015

    Tu as quand même l’air mitigée !

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  9. Giny

     /  juillet 16, 2015

    Je suis assez d’accord avec toi, surtout pour la première partie qui est plutôt agréable et conforme à ce que j’attendais de cette lecture.
    Le côté romanesque m’a plutôt déçue car j’ai trouvé que l’histoire était cousue de fil blanc et je n’ai pas du tout été surprise par la tournure des relations entre les personnages (je lis peut être trop de romans « historiques »).

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  10. Ellettres

     /  juillet 16, 2015

    J’avais moi aussi commencé ce roman, et je l’ai laissé tomber exactement au milieu de la 2e partie que tu décris, qui ne m’emballait pas franchement (mais j’ai quand même été lire la fin !)

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  11. Parfait pour l’été ! Il m’attend !

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  12. choupynettederestin

     /  juillet 21, 2015

    j’avais aimé pour l’ambiance, mais sans que cela soit un coup de coeur.

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  13. Je l’ai acheté il y a quelques mois, pour le mois anglais justement, mais n’ai pas eu le temps de le lire. Après tous les éloges lus à son sujet, j’attends beaucoup de cette lecture. On verra… je suis quand même curieuse de le lire!

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  14. J’hésitais à le lire car je n’avais pas eu que des retours positifs, chez certains les critiques étaient même assez négatives. Je pense que si je finis par le lire, je serai plutôt mitigée comme toi. Au moins, je n’en attendrai pas grand chose !

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  15. Cet article m’a donné envie de lire ce livre que j’ai trouve en bibliothèque . Je l’ai lu en 3 jours. La deuxième partie est en effet un peu fade, mais j’y vois l’expression de la difficulté d’Elise à vivre dans le présent, En même temps la fin fait un peu « bâclé » , j’aurais aimé que le récit de sa vie se poursuive.
    La fin d’une époque est très bien rendue, la rencontre d’une bourgeoise juive cultivée Viennoise avec la tradition pure british est intéressante, et peut-être pas si surprenante entre des personnages encouragés à la curiosité intellectuelle par leur éducation respective.
    J’ai aimé aussi les témoignages de respect et d’affection que se portent les maîtres des lieux, les domestiques et les proches des domestiques.
    J’ai vu il y a peu « la femme au tableau » au cinéma qui raconte la bataille de la nièce d’Adele pour récupérer le fameux tableau de Klimt volé à sa famille par les nazis et conservé à Vienne. L’ambiance à Vienne dans sa famille, ressemble au récit d’Elise, la façon dont elle a quitté Vienne en laissant sa famille est proche de l’histoire de Margot, la sœur d’Elise …

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