« Le liseur du 6h27 » Jean-Paul DIDIERLAURENT

Didierlaurent le liseurLe personnage principal de ce roman a un problème avec son nom : Guylain Vignolles, que d’aucuns ont tôt fait de tourner en dérision (Vilain Guignol), mais Guylain a aussi un problème avec sa vie et surtout avec son travail :

En résumé, donc, pas de problème, sauf que je suis quand même dans tous les domaines un petit peu « à la limite inférieure de la courbe », si vous voyez ce que je veux dire. (p.139).

Guylain travaille au pilon, là où les livres invendus sont broyés par la Chose, une énorme machine, la Zerstor 500. Mais ce travail le mine lui qui aime les livres et la lecture. Dans cette entreprise qui lui donne la nausée, son seul ami est Yvon Grimbert : un amoureux des alexandrins qui a fini par ne s’exprimer plus qu’en phrases de 12 syllabes, ou Giuseppe, qui a perdu ses deux jambes dans la Chose et qui depuis recherche les exemplaires d’un livre sur les jardins dont les invendus ont été déchiquetés en même temps que ses deux jambes.

Chaque soir pourtant, Guylain récupère quelques pages épargnées par la machine, et, le lendemain, dans le RER de 6h27, il en lit quelques unes à haute voix, à tout son wagon. Jusqu’au soir où il découvre une clé USB coincée dans le strapontin du RER. Cette découverte va enfin modifier le cour de sa vie.

Guylain est l’anti-héros par excellence. Célibataire un brin neurasthénique qui parle à son poisson rouge, il n’a rien de sexy, son seul talent réside sans doute dans son don pour la lecture à voix haute, c’est ce qui va l’amener d’ailleurs dans une maison retraite aux pensionnaires assez bien croqués par l’auteur, comme cet ancien professeur agrégé de littérature rabroué par une ancienne institutrice.

Sans aucun doute, le point fort de ce roman en sont les personnages, que ce soit les trois amis en G (Guylain, Grimbert et Giuseppe), ou les deux soeurs de la maison de retraite ou encore, et surtout, la dame pipi, Julie, et sa tantine. Chacun incarne un monde un peu loufoque, a une petite folie qui rend ce roman léger et très agréable à lire.

Jean-Paul Didierlaurent montre à quel point le métier que l’on exerce peut si mal nous définir, si mal révéler ce que nous sommes réellement. C’est là peut-être le message du roman, si message il y a. Tous les personnages sont mal dans leur métier, comme s’ils n’étaient pas à la bonne place, mais chacun fait avec, trouve des solutions et l’auteur égrène les solutions liées aux livres : Guylain est le lecteur, Grimbert aussi mais dans le genre poétique ou dramatique, Giuseppe est le bibliophile, mais d’un seul livre et Julie est l’auteur. Dans tous les cas, le livre est le moyen qu’ils ont trouvé pour supporter leur condition décevante.

Les différents personnages secondaires vivent donc au contact de Guylain, et chacun est aussi un révélateur du personnage principal.  Pendant ma lecture, en relisant la quatrième de couv., j’ai appris que Didierlaurent était nouvelliste, et cela m’a permis de mettre le doigt sur ce qui me gênait un peu dans la lecture de ce roman.

Bien que les péripéties des personnages secondaires se mêlent les unes aux autres, j’avais l’impression que chacune d’elles pouvait constituer une histoire à part entière, ou, si vous préférez, une nouvelle dont le fil conducteur aurait été Guylain. Ce fut une gêne minime, mais du coup, il m’a manqué certaines chutes.

Quoiqu’il en soit, c’est un roman que je vous recommande, une histoire optimiste avec des héros qui, apparemment, n’ont rien d’héroïque et puis, un roman qui parle des livres, de la lecture et de l’écriture ne peut qu’être intéressant.

Enfin mention spéciale au personnage de Julie et aux passages où elle raconte sa vie de dame pipi, j’ai tellement aimé ce personnage qu’un roman entier sur elle m’aurait beaucoup plu.

Roman lu dans le cadre du Challenge Le Nez dans les livres saison 2.

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Merci à Anne V. et aux Editions au Diable Vauvert.

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28 Commentaires

  1. Celui là je me le garde pour l’été !

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  2. Je suis dans une période lectures sombres donc pas trop envie de ce livre en ce moment. Mais qui sait, j’aurai peut-être besoin d’un truc léger et optimiste dans quelques mois 😉

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  3. Je ne lis que du bien de ce roman sur lequel je me me serai pas spontanément attardé, j’espère que la mediatheque l’achètera

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  4. lasardine29

     /  juin 4, 2014

    noté, bien sûr!

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  5. J’ai lu de très bonnes choses sur ce livre largement distribué. Ton avis est un peu plus nuancé. Mais pourquoi pas en lecture détente et surtout pour rencontrer Julie.

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  6. novelenn

     /  juin 5, 2014

    Une lecture très agréable pour moi également.

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  7. Tu m’as donné envie, je le note!

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  8. Ce roman a l’air d’avoir beaucoup de succès, il me tente assez….

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  9. Aussi influençable que je suis, et déjà partant avec un bon a priori, c’est maintenant chose certaine, ce livre rejoint ma PAL dès que possible !!

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  10. Pas le premier avis positif que je lis, je vais finir par le noter dans mon carnet !

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  11. J’ai reçu ce livre gratuitement avant de rencontrer l’auteur vendredi prochain, je ne manquerai pas de publier moi-même un article sur le liseur de 6h27 qui rejoint directement la liste de « mes découvertes ebooks »!
    J’ai trouvé les personnages attachants et le propos sur la destruction du livre,d’actualité. Mais je n’en dis pas plus… dur dur d’attendre samedi pour donner mon avis!
    http://www.hellocoton.fr/mapage/les-ebooks-de-marie-et-autres-tribulations
    Merci pour cet article!
    Marie.

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  12. J’ai adoré ce roman qui met de bonne humeur. Et oui, tout à fait, le métier des personnages ne parvient pas à révéler leur vraie personnalité et leurs passions dans la vie. Comme si faire de sa passion son métier était un luxe dans la société contemporaine. Ce n’est pas faux !

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    • C’est vrai que quand on rencontre quelqu’un la question du métier arrive assez vite, comme si cela définissait la personne, mais finalement parfois, comme dans ce livre, le métier est juste un moyen de gagner sa vie et les réflexions de Julie sur ce sujet m’ont paru très justes.

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  13. J’ai vu l’auteur dans LGL il y a quelques semaines/mois. Il m’a passé l’envie de lire son livre, sans que je comprenne trop pourquoi. Il ne m’a pas semblé passionné, passionnant.

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  14. Je dois avouer que j’en attendais un poil plus, même si c’est un livre que j’ai tout de même beaucoup aimé. C’est un peu mon problème quand j’entends beaucoup parler d’un livre avant de le commencer…

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