J’ai découvert Edgar Allan Poe par l’intermédiaire de Charles Baudelaire. Dans mon adolescence, il m’arrivait souvent de lire un auteur par le biais d’un autre. Je sautais ainsi de romans en romans, et j’avais l’impression de suivre un jeu de pistes, il y avait quelque chose de ludique. Je suis revenue à Poe ces derniers jours, grâce à ma nouvelle liseuse. Comme je le disais hier en réponse à vos commentaires, l’arrivée d’une liseuse chez moi, m’a permis de télécharger plusieurs œuvres libres de droit, et je ne m’en prive pas. Le Chat noir fut le premier texte lu sur une liseuse, il va donc inaugurer une nouvelle catégorie sur ce blog : Lu sur ma Liseuse !
Le Chat noir est une nouvelle fantastique publiée la première fois en 1843 dans The Saturday Evening Post, hebdomadaire proposant, en plus de l’actualité, des feuilletons. Les nouvelles fantastiques de Poe sont souvent terrifiantes. Récit à la première personne du singulier, Le Chat noir raconte la descente en enfer d’un homme, amoureux des animaux depuis l’enfance, et qui, une fois marié, va se prendre d’affection pour un chat noir, Pluton. Un chat affectueux. Mais un soir d’ivresse, le narrateur mutile sauvagement son chat.
En à peine une quinzaine de pages, Edgar Allan Poe plonge son personnage et partant son lecteur, dans une atmosphère sombre, cruelle, effrayante. Conforme au genre fantastique, le narrateur, en préambule, veut raconter son histoire le plus objectivement possible : Mon dessein immédiat est de placer devant le monde, clairement, succinctement et sans commentaire, une série de simples évènements domestiques. […] Plus tard peut-être il se trouvera une intelligence qui réduira mon fantôme à l’état de lieu commun, – quelque intelligence plus calme, plus logique, et beaucoup moins excitable que la mienne (p.3). S’opposent donc l’irrationnel (fantôme) au rationnel (la logique, intelligence).
Dès les premières pages, le chat est présenté comme un animal remarquable, mais sa couleur noire renvoie bien vite à des superstitions et anciennes croyances populaires (p.4) associant les chats noirs à des sorcières. Progressivement, l’ambiance terrifiante s’installe. La personnalité du narrateur se modifie et devient particulièrement perverse. Des évènements étranges se succèdent qui entraînent le narrateur dans un tourbillon et une réelle descente aux enfers. On ressort de cette nouvelle, terrifié, à tel point que j’ai dissuadé mon fils Antoine (10 ans) de la lire, lui conseillant d’attendre encore un peu.
Les nouvelles fantastiques ont certes vocation à faire peur, mais bien souvent, du moins chez les grands auteurs, elles révèlent l’inconscient, et annoncent déjà la psychanalyse. Ici Edgar Allan Poe montre les méfaits de l’alcoolisme pouvant provoquer, on le sait à présent, de graves troubles mentaux, dont augmentation de l’anxiété, fabulation, voire schizophrénie. Les comportements du narrateur du Chat Noir sont typiques des comportements des schizophrènes : « Au départ, elle se manifeste principalement par un sentiment d’étrangeté, une bizarrerie, des intérêts étranges, ésotériques, voire un sentiment de persécution » (source). Le fait que la narration se fasse en focalisation interne plonge le lecteur dans la conscience malade du personnage, ce qui rend la lecture doublement intéressante.
Ce qui me fascine souvent dans ce mouvement fantastique, qui s’est développé au milieu du XIXe siècle, est qu’il précède l’émergence de la psychanalyse. Le romantisme, dont le fantastique est le corolaire, avait préparé le terrain en s’intéressant aux troubles de l’âme, et Freud a mené des études psychanalytiques sur plusieurs œuvres littéraires et l’on sait qu’il a lu Poe, entre autres.
Une nouvelle donc qui donne la chair de poule et qui, d’un point de vue littéraire, est passionnante pour cette maîtrise de la conscience malade du personnage qui, petit à petit, sombre dans la folie.
Nouvelle lue dans le cadre du Challenge US, du Challenge Petit Bac 2013 (cat. Animal) du Challenge XIXe Siècle.
Michot Anne-Catherine
/ novembre 11, 2013Baudelaire ♥ Edgar Allan Poe ♥ et cette nouvelle ♥ !!!
les Livres de George
/ novembre 12, 2013😀 !
Mypianocanta
/ novembre 11, 2013Oh je suis d’accord avec toi sur le caractère terrifiant de cette nouvelle. Lu pendant mes études par le biais de Debussy qui aimait Poe et a essayé de l’adapter en opéra, je n’ai jamais réussi à la relire par peur d’avoir peur.
J’aime beaucoup ta conclusion avec l’ouverture sur la psychanalyse. Je me souviens que nous en avions parlé lors d’un book-club sur Le Horla … passionnant.
les Livres de George
/ novembre 12, 2013Je l’avais déjà lue il y a longtemps mais je ne me souvenais plus à quel point elle était terrifiante !
Ce que je trouve passionnant c’est à quel point ces auteurs ont su décrire les symptômes de certaines psychoses qui n’avaient pas encore de nom précis !
Sandrine(SD49)
/ novembre 11, 2013Je ne connais pas et je profite de ton billet pour aller mettre ce titre sur ma liseuse, merci !
les Livres de George
/ novembre 12, 2013J’espère que cette nouvelle te plaira.
denis
/ novembre 11, 2013c’est vrai que Poe s’entend en résonnance avec Baudelaire son traducteur génial.
Pour ma part, j’ai envie de revenir à cette façon de lire en poupée gigogne. On part d’un auteur qui fait rebondir vers un autre : une école littéraire, un thème… J’ai même joué avec les homonymes parfois Joseph Roth et Philip Roth par exemple… Du vagabondage littéraire de grand effet
je lirai Poe en janvier en ce sera pour ma part une première, car il m’a échappé comme une anguille…
les Livres de George
/ novembre 12, 2013J’adore ton idée de jouer avec les homonymes ! Mais c’est vrai qu’à ce jeu de vagabondage littéraire, comme tu dis, certains auteurs nous échappent !
marionsurletagere
/ novembre 11, 2013J’adore relire régulièrement des nouvelles de Poe. J’ai l’impression de découvrir de nouvelles choses à chaque fois!
les Livres de George
/ novembre 12, 2013C’est ce qui est fabuleux avec les grands auteurs, on n’a jamais fini de les redécouvrir !
Laurence (Lolotte)
/ novembre 11, 2013C’est un des avantages de la liseuse : redécouvrir les classiques !
les Livres de George
/ novembre 12, 2013Oui c’est génial de lui gonfler le bidon de tous ces romans !
papilloteleblog
/ novembre 11, 2013J’adorais lire Poe quand j’avais 12-13 ans, c’était ma période « livres fantastiques » (Maupassant, Gautier, King..) j’apprécie particulièrement le chat noir évidemment, vu mon avatar…
les Livres de George
/ novembre 12, 2013Moi aussi j’ai eu une grosse période récits fantastiques et j’aime y revenir de temps en temps !
Cynthia
/ novembre 11, 2013J’avais écrit un billet sur Le chat noir de Poe et d’autres nouvelles fantastiques de lui. Beaucoup aimé mais pas du tout accroché à ses nouvelles policières par contre
les Livres de George
/ novembre 12, 2013J’ai vu oui que tu avais fait des billets sur Poe, je vais aller les relire !
lesbavardagesdesophie
/ novembre 12, 2013J’adore cette nouvelle, que j’étudie avec mes élèves.
les Livres de George
/ novembre 16, 2013Ils sont quel âge tes élèves ?
Phebusa
/ novembre 12, 2013En tant que grande fan de Poe, j’adore ton article ! C’est une nouvelle dont je me souviens très bien. Une atmosphère inquiétante mais réussie 🙂 Et pourtant on sait que je déteste les nouvelles à la base lol.
les Livres de George
/ novembre 16, 2013Merci Phebusa ! Moi aussi je n’aime pas trop les nouvelles, mais celle-ci est parfaite !
melusine1701
/ novembre 20, 2013J’adore cette nouvelle, elle est terrifiante et furieusement bien conçue!
les Livres de George
/ janvier 11, 2014Je l’ai redécouverte grâce à cette relecture et j’ai été aussi fasciné par la maîtrise de Poe.
Geoffrey D
/ janvier 11, 2014Tu résumes parfaitement l’ambiance si particulière des oeuvres d’Edgar Allan Poe. J’ai découvert cet auteur en seconde et depuis j’aime y revenir régulièrement. Je vais télécharger cette nouvelle sur ma liseuse, un achat récent qui me permet de lire (enfin !) les classiques que je me suis promis de découvrir depuis si longtemps…
les Livres de George
/ janvier 11, 2014Ah le bel avantage des liseuses qui nous fait lire et relire les classiques 😉 ! Bonne lecture.