« L’Ingénue Libertine » de Colette

Dans sa grande mansuétude Lili Galipette m’a prêté son exemplaire, et je l’en remercie car sans elle je ne me serais peut-être pas repenchée sur ce roman, lu, me semble-t-il dans mon adolescence, du moins en ai-je un vague souvenir!

Le roman est composé de deux parties : la jeunesse de Minne, puis sa vie de femme mariée. Ce roman était, à l’origine, deux romans écrits alors que Colette était encore sous l’emprise de Willy : Minne et Les Egarements de Minne. Après la restitution et la reconnaissance de son œuvre propre, Colette a supprimé les passages écrits par son ex-mari, puis a pris la décision de rassembler les deux romans en un seul, sous le titre actuel.

Minne donc, dans la première partie, est une jeune fille en herbe, couvée par sa maman, mais dont l’esprit vagabonde au gré des aventures d’une bande de bandits de Levallois-Perret qu’elle lit en cachette dans le journal. Fascinée par les mauvais garçons que l’on croise dans le Paris nocturne des faubourgs, elle s’imagine vivre un amour dangereux avec Le Frisé, sorte de bandit assassin. L’imagination de cette petite fille élevée dans le coton bat le pavé parisien, rêvant d’être la nouvelle Reine de la nuit, chef d’une bande de voyous qui défie la police toutes les nuits. Mais Minne est aussi la cousine d’Antoine, jeune homme un peu plus âgé, totalement sous le charme étrange de cette belle cousine avec qui il partage ses vacances estivales, et qui parfois, professe des horreurs. Minne fait ses armes de séductrice sur ce pauvre garçon. Dans la deuxième partie, nous retrouvons Minne mariée à Antoine, et toujours en quête de ce qui fera d’elle une vraie femme !

Ce petit roman est une gourmandise défendue sur le désir féminin et sa revendication. La quête de Minne est une quête du plaisir sexuel. Le ton de Colette est à la fois léger et quelque peu grivois, de quoi ravir les sens. On sourit à l’envie aux élucubrations de la petite fille bourgeoise rêvant de s’encanailler dans des bras masculins robustes et quelques peu violents. Idole qui rêve d’être renversée, Minne ne se sent pas une femme accomplie, il lui manque LA connaissance. Tout comme elle s’ennuyait dans l’intérieur trop régulier de sa mère, une fois mariée, elle s’ennuie dans sa vie de couple. Pour tromper son ennui et tenter de trouver enfin l’objet de sa quête, Minne passe de bras en bras, sans pour autant trouver ce qu’elle recherche.

J’ai passé un dimanche sous la couette avec Minne, à la fois attendrie par sa naïveté et énervée par son comportement de peste envers ce pauvre Antoine, bien maladroitement amoureux. Colette use d’une douce ironie, écorchant au passage la bourgeoisie qui nourrit dans son sein des petites filles perverses, mais à qui on donnerait le bon dieu sans confession.

En faisant quelques recherches, j’ai trouvé une adaptation ciné de ce roman :

Cette adaptation date de 1950, avec dans le rôle titre une Danièle Delorme toute jeune, et qui avait déjà incarné Gigi en 1948. Il semble que le film soit surtout concentré sur la seconde partie du roman, et que la première n’apparaisse qu’en récit rétrospectif. Je suis, depuis cette découverte, curieuse de voir cette version cinématographique, et notamment si l’esprit grivois a été conservé. A suivre !

Roman lu dans le cadre du Club des Lectrices et du Challenge La Littérature fait son cinéma.

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35 Commentaires

  1. je crois aussi avoir lu Colette dans ma jeunesse…

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  2. Je cherche aussi le film ! la première qui trouve appelle l’autre !

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  3. Ah Colette, je l’adore !! j’achète tous les vieux ouvrages que je trouve. Il me reste à les relire

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  4. Ca me donne bien envie d’enfin découvrir Colette (je sais) (honte sur moi) (on fait ce qu’on peut, hein).

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  5. Je suis surtout fan des Claudine, une belle brochette de filles perverses. J’ai peut-être lu celui-là mais ne m’en souviens pas… Une redécouverte s’impose !

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  6. J’ai lu pratiquement tout de Colette. Elle est un de mes auteurs préférés. Avec une tendresse pour les Claudine…

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  7. Je l’ai lu aussi quand j’étais ado, et j’ai encore 2-3 citations dans le carnet que j’ai gardé de l’époque…

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  8. Lu et adoré, c’est un roman qui m’a vraiment marquée ! Ceci dit, grâce à toi, je crois que je vais le relire !!!

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  9. Dans ma wish-list. En attendant j’ai plusieurs autres livres de Colette dans ma PAL (pour l’instant je n’ai lu aucun livre de cette auteur).

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  10. Je l’ai lu dans ma jeunesse aussi avec pas mal d’autre d’elle d’ailleurs mais inscrite au challenge Colette, il faut que je lise La retraite sentimentale qui dort dans ma PAL…
    Tiens, autre sujet, rien à voir : sais-tu que demain soir, Salle Gaveau il y a un spectacle sur la correspondance de Sand-Chopin avec Brigitte Fossey (je viens de la voir sur la 2 !). Un spectacle juste pour toi ! 🙂

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    • Il faudrait que j’en lise d’autres aussi !
      Pour Brigitte Fossey lisant Sand, je l’ai entendu sur France Inter avec Busnel et j’ai failli exploser mon poste, elle n’y connait rien et a balancé plusieurs grosses bêtises. Après le spectacle en lui-même je ne sais pas ce qu’il vaut !

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  11. C’est un de ses titres que je ne connaissais justement pas… Je vais farfouiller s’il est encore édité ou sinon je tenterai ma chance en brocante ou bouquinerie… J’avais justement dans l’idée de me reconstituer la bibliographie de Colette, c’est donc un titre à ajouter 😉

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  12. Je viens de finir La naissance du jour. J’ai beaucoup aimé. Je note L’ingénue libertine!

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  13. je l’avais beaucoup aimé aussi ce roman-ci de colette – je l’ai découvert il y a de longues années

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  14. J’avoue ma grande ignorance concernant les romans de Colette… Ce n’est pas une période littéraire qui me  »parle » beaucoup. Il y a encore du travail pour améliorer ma culture littéraire. Mais ta chronique donne envie de découvrir ce livre.

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  15. Voilà un livre qui donne bien envie. N’ayant jamais lu un collette se sera peut être le bon moment.

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  16. J’ai lu quelques livres de Colette qui m’avaient plus, je note ce titre là! Surtout si l’esprit est grivois 🙂

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  17. Je n’ai jamais lu Collet mais ton billet me fait vraiment très envie de la découvrir. Je note ce titre et si tu en connais d’autres fais le moi savoir.

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    • Annaïck

       /  août 19, 2012

      Bonjour.
      Je ne suis plus toute jeune…. Entre seize et vingt ans (et encore un peu après), j’ai eu une période Colette, c’est à dire que j’ai alors découvert, lu et relu quelques-uns de ses romans ; l’Ingénue libertine, les Claudine, La Vagabonde, Mitsou, Le Toutounier, Julie de Carneilhan… J’en oublie peut-être… J’aimais vraiment beaucoup, particulièrement le personnage d’Annie dans l’avant-dernier des Claudine (je ne dis pas le dernier car je considère que « La retraite Sentimentale » est encore un Claudine) et Minne de l’Ingénue Libertine.

      Je crois que celui-là (l’ingénue…), je devrais le connaître par cœur tellement je lai relu ; l’édition en livre de poche que j’avais achetée quand j’avais seize ans (c’est le premier ouvrage de Colette que j’ai lu) a été très longtemps à mon chevet et à force était tout disloqué et jauni (je l’aurais gardé en souvenir mais il a hélas disparu il y a quelques années au cours d’un déménagement…). Je lui trouvais (pas seulement à seize ans, il y a encore quelques années et je suis sûre que je n’ai pas changé d’avis) un charme vraiment puissant et particulier. Le style, « on en mangerait » et l’histoire de cette fille ravissante toute menue et secrète qui semble bien innocente mais est intérieurement assoiffée de liberté et d’aventures et de rejoindre un milieu complétement opposé au sien me ravit. Dans la seconde partie, j’adore « depuis toujours » la scène avec Maugis quand elle va le voir chez lui, ce Maugis si cynique et railleur en société et qui se révèle alors sensible, délicat, attachant… Ne riez pas ; cette scène me bouleverse toujours. J’aime bien aussi à la fin quand elle tombe enfin amoureuse d’Antoine parce qu’elle vient de comprendre la profondeur de son sentiment pour elle, en est touchée, s’offre à lui un peu en se sacrifiant parce que jusque là elle ne ressent rien mais veut l’en récompenser et découvre ainsi paradoxalement le plaisir qui dès lors va l’attacher à lui. Cette scène est aussi très émouvante et l’auteure, en décrivant leur relation n’use pas du tout selon moi d’un style grivois. Elle s’exprime au contraire, me semble-t-il, à mots couverts, très élégants et cependant très évocateurs, ardents, « gourmands ». C’est tout son art. Je dirais que c’est plus sensuel que grivois… Voilà.

      J’ai acheté il y a deux ans, je crois, les œuvres complètes en un seul volume et j’ai lu dans la présentation le rappel que Colette détestait ce roman, ne parvenait pas en être satisfaite même lors des modifications apportées et l’auteur de cette préface notait qu’effectivement, selon l’expression consacrée, ce roman « n’ajoutait rien à sa gloire ». Cela m’a déçue et peinée…

      Je voudrais encore dire une chose ; c’est tout à fait personnel et subjectif sans doute mais j’aime beaucoup moins les dernières œuvres de Colette, celles parues pendant la guerre (« 39/40 ») et les dernières années de sa vie. Cela m’ennuie. Je trouve que, si j’ose dire, « elle s’écoute » désormais « un peu trop écrire »… Cela n’engage que moi…

      (Hou la, j’ai été bien longue !…). Amicalement.

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  18. J’ai lu L’Ingénue libertine en 3e et je le relis cette année en première et j’aime toujours autant ce livre !

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