« La cote 400 » de Sophie Divry

Vu sur plusieurs blogs amis, ce petit roman me tentait énormément ne serait-ce que pour son sujet : une bibliothécaire se lançant dans un long monologue sur son métier !

Un matin cette bibliothécaire découvre un homme enfermé dans sa salle où il a passé la nuit. La narratrice se lance alors dans un monologue, s’adressant au vous au jeune homme, dont on se saura pas grand chose. Très loquace, cette femme d’une quarantaine d’années  explique son métier et notamment la classification inventée par Dewey mais également l’histoire des bibliothèques… mais l’intérêt principal de ce roman est incontestablement, pour moi, le ton de ce monologue !

Autant vous le dire tout de suite, j’ai adoré cette femme pourtant bien désagréable, réac,  maniaque de l’ordre et du rangement mais à la verve incontrôlable, passant d’un sujet à l’autre, râlant, s’énervant, s’enthousiasmant…

Je ne dis pas cela pour vous, je dis cela en général : au fond, un lecteur ne vient dans une bibliothèque que pour y mettre du désordre. (p.19)

Dans cette petite bibliothèque municipale, la narratrice est en charge de la section géographie, dans un sous-sol peu éclairé. Aigrie, elle dit cependant des vérités qui m’ont fait rire parce qu’elles tombent juste, sortent du discours politiquement correct que l’on tient souvent sur la culture.

De toute façon, les livres, c’est comme les carosses, ça sert surtout à frimer. La vraie culture, chez les riches, ça ne vient jamais qu’après, en contrebande, et c’est toujours mal vu. (p.24)

Discours à prendre au second degré, avec une ironie drôlatique, ce roman m’a beaucoup fait rire :

C’est aussi pour ça que je ne voyage plus : partout où je peux aller, Napoléon est déjà passé, je n’en peux plus. (p.28)

ou encore

Simone de Beauvoir, elle avait des coups mous, c’était terrible. Je la comprends, la pauvre. (p.32)

Sophie Divry parvient à faire de cette femme mal dans sa peau, et désespérée, un personnage fascinant. Alors oui, sa prose peut choquer, peut nous irriter mais moi je l’ai trouvée d’une grande intelligence, cette prose, parce que comme elle le dit très bien :

Les gens s’excusent beaucoup trop, tout le monde a peur d’être méchant et ça fait de la littérature pour bébés. (p.39)

Et Sophie Divry ne fait pas de la littérature pour bébé, bien au contraire, et c’est ça que j’ai aimé dans ce livre. J’ai souligné des phrases, presque, à chaque page. J’ai notamment adoré le passage dans lequel elle raconte comment, timides, certains lecteurs se trouvent alpagués par les bibliothécaires de la catégorie littérature (la catégorie reine des bibliothèques) :

« Hep, vous ! Oui, vous. Vos classiques, s’il vous plaît. Montrez-moi ça. Hum, il y a du retard, beaucoup de retard. De grosses lacunes. Cela fait combien de temps que nous n’avez pas ouvert Balzac? Mmmh. Et vous faites quoi dans la vie ? […] C’est quoi ce livre dans votre sac ? Montrez, montrez-moi… Ah oui, intéressant. Divestissant.Facile. Médiatique. Mal écrit. Nul! » (p.56)

J’adore ! Alors oui, cette bibliothécaire m’a rappelé celles de la bibliothèque universitaire que je fréquentais quand j’étais en fac, cet air renfrogné, cette façon de dire « chuuuuuuuuttt », de jeter un oeil noir dès qu’on tente de remettre en place un livre emprunté le temps d’un devoir…

Je ne peux que vous le conseiller si vous avez deux heures de libre et que vous avez envie de rire intelligemment !

Merci à Aude S. et aux Editions Les Allusifs de m’avoir permis de découvrir ce roman !


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52 Commentaires

  1. depocheenpoche

     /  mars 10, 2011

    J’avoue avoir lu dernièrement pas mal de billets sur le livre mais j’en étais ressorti à chaque fois avec un avis mitigé même si il y avait beaucoup d’avis positifs. Ton article, par contre, me donne très envie de le lire ; et oui, donner l’envie de lire un livre, c’est tout de même un exercice de style !!

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  mars 10, 2011

      C’est bien de donner envie mais j’espère qu’il te plaira ! 😉 merci pour tes gentils compliments !

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  2. J’avais déjà noté ce titre et, ton avis me donne encore plus envie.

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  mars 10, 2011

      Il faut donc le faire passer de ta LAL à ta PAL 😉

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  3. Entre les avis positifs et les avis négatifs, je ne sais plus quoi penser. J’espère le trouver en bibliothèque !

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  4. allez hop!! je surligne!! 😀

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  5. Il m’a beaucoup fait rire ce livre, l’analyse de ce métier est très fine, c’est incroyable comme ellel est juste. Mais, il y a aussi de très bons cotés à travailler en bibliothèque !!

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    • leslivresdegeorgesandetmoi

       /  mars 31, 2011

      Je suis contente que nous ayons le même avis sur ce roman qui m’a aussi fait beaucoup rire ! elle montre aussi les bons côtés,non ?

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  6. Je suis d’accord avec toi, il y a pleins de citations que l’on pourrait prendre du livre car d’une certaine manière cela peut nous rappeler des passages à la médiathèque ou bibliothèque 🙂
    Mais je reste mitigé sur le livre.

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